« Et le gagnant de la sélection Amériques de la première édition du championnat du monde du chou farci est … » L’assistance, verre de champagne dans une main, smartphone dans l’autre, suspend son souffle et ses déglutitions mondaines pour le verdict. Face au président du jury, Daniel Boulud, sept cuisiniers professionnels, six hommes et une femme, le fixent, fébriles, intimidés par l’enjeu et le charisme du chef français. « Guillaume Ginther » ! Aux termes d’un processus de sélection par dossier et d’une épreuve de 3 heures et demie dans les cuisines de l’ICE (Institute of Culinary Education) à Manhattan, le cuisinier alsacien, chef du restaurant Bacchus à Brooklyn, remporte les qualifications Amériques pour le Championnat du monde du chou farci qui se déroulera à Limoges le 18 novembre prochain.
Fier de son exploit et un peu ému, le chouchou (elle était facile… ) du jury s’est vu remettre une assiette Bernardaud spécialement créée pour l’occasion ainsi qu’un vase de la manufacture limousine. Mais l’heureux gagnant se voit surtout convié à la finale internationale en novembre prochain. Un honneur pour le jeune homme et une reconnaissance de ses pairs encore plus précieuse. « Ça me donne confiance en moi et en ma cuisine. Je suis super fier, je remercie ma femme qui a été ma première juge ».
Cette finale en novembre sera la première du genre. En effet, le Championnat de chou farci ne se cantonnait jusqu’ici qu’à l’Hexagone. Mais voyant l’engouement autour des plats rustiques se renforcer, Bernardaud, la célèbre entreprise familiale fondée en 1863, y a vu son intérêt (au-delà de la simple promotion de sa marque) et décidé de se greffer au groupement des Artcutiers qui organise la compétition en France depuis 2022, pour l’élargir au monde entier. En tout, cinq régions éliront leur champion cet automne : France, EMEA (Europe, Moyen-Orient, Afrique), Amériques, Japon et Asie.
« J’ai fait partie du jury du concours de pâté en croûte il y a quelques années et j’avais trouvé ça formidable, raconte Michel Bernardaud, cinquième génération à la tête de l’entreprise. J’avais envie de faire connaître Limoges. Et le chou farci est un plat emblématique de cette région. Voilà comment est partie l’idée ».
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Pré-requis du concours : être cuisinier professionnel, avoir plus de 23 ans et… maîtriser l’art délicat de farcir un chou (tous les candidats avaient soumis leur recette et une photo au préalable). Et si certains marqueurs devaient être respectés – servir une pièce entière pesant entre 1,2 kg et 1,6 kg, un minimum de 2% de viande de porc ou de veau à l’intérieur et 0 exhausteur de goût -, pour le reste, les candidats avaient carte blanche.
D’où la variété des choux proposés. Une version épicée avec une sauce Mole pour l’un des chefs d’origine mexicaine, un chou provençal ou « Lou Fassum » pour la candidate originaire du sud de la France ou encore un ajout de pommes de terre fumées du côté du candidat originaire de Serbie. Mais Cocorico, c’est un cuisinier français qui remporte les qualifications régionales des Amériques avec un chou opulent plutôt traditionnel (foie gras, magret de canard, volaille, lard et pancetta), très bien exécuté et twisté avec un condiment d’inspiration d’Afrique du Nord à base de citron confit, coriandre et cardamome.
Après 15 minutes de délibérations basées sur le calcul de points attribués selon la créativité, la technique, la justesse de la cuisson et le goût, le jury (10 personnalités du monde de la gastronomie) n’a pas eu de mal à trancher. « Les points forts de celui de Guillaume : une harmonie subtile entre les goûts très divers : les viandes, l’assaisonnement poussé, le chou bien présent et une pointe d’originalité », justifie Daniel Boulud, le président du jury. « Ça goûtait le chou farci, et la purée de céleri qui l’accompagnait apportait la sapidité végétale nécessaire à l’équilibre du plat ».
Prochaine étape donc pour Guillaume Ginther : la grande finale le lundi 18 novembre à Limoges. D’ici là, le chef va pouvoir peaufiner sa recette et la tester sur ses clients. « La saison du chou arrive et je pense qu’on va vite mettre cette recette à la carte, j’espère que ça va faire parler de nous ». Rendez-vous donc chez Bacchus à Brooklyn dès la semaine prochaine pour déguster le crucifère primé !