Les deux statuettes dorées trônent, étincelantes, sur la nappe blanche d’un mange-debout, installé tel un piédestal au centre du jardin de la Résidence de France, à Beverly Hills. Gravée sur leur pied, on peut lire l’inscription : « Academy Award to Justine Triet and Arthur Harari, Best original screenplay, “Anatomy of a Fall” 2023 ». Coupes de champagne et smartphones à la main, les premiers invités s’arrêtent devant les trophées pour les immortaliser. Ce n’est pas tous les jours que l’on peut admirer deux oscars d’aussi près !
Ce lundi 11 mars, lendemain de la cérémonie hollywoodienne, le prix du meilleur scénario original attribué à « Anatomie d’une chute » fait la fierté de tous, au brunch organisé par la Consule générale de France à Los Angeles, Julie Duhaut-Bedos, en l’honneur des films tricolores nommés aux Oscars. Parmi un parterre d’invités issus du monde du cinéma et quelques membres de l’Academy, leurs équipes sont là, au grand complet, ou presque.
Au milieu des serveurs qui slaloment avec leurs plateaux de gougères, le duo Swann Arlaud – Milo Machado-Graner (« Anatomie d’une chute ») est inséparable. Sur un petit nuage, la réalisatrice Stéphanie Clément (« Pachyderme ») saute dans les bras de l’Israélienne Tal Kantor (« Letter to a Pig »), sa co-nommée pour le meilleur court-métrage d’animation. Nominée pour la deuxième fois de sa carrière (« Les filles d’Olfa », meilleur documentaire), Kaouther Ben Hania affiche un grand sourire sous sa casquette des Lakers.
Mais la star du jour, c’est elle, Justine Triet. Silhouette reconnaissable entre toutes dans son ensemble de tweed, la réalisatrice se prête à une séance photo près de la piscine. Fatiguée, mais souriante. « Allez, c’est fini, elle a dormi deux heures cette nuit, elle est crevée ! » interrompt Marie-Ange Luciani, co-productrice du film. Dans quelques minutes, Justine Triet doit être en direct du 20h de France 2 d’Anne-Sophie Lapix (la vidéo est disponible ici). La fin d’un marathon de 8 mois d’une campagne très intense, et finalement victorieuse, aux États-Unis.
Car si « Anatomie d’une chute » repart avec un seul et unique oscar sur 5 nominations, l’heure est, de manière unanime, à la célébration. « Être reconnu pour le meilleur scénario dans la capitale du storytelling n’en est que plus gratifiant. Ce n’est pas quelque chose que nous sommes capables de faire chaque année », applaudit Julie Duhaut-Bedos, la Consule, dans son discours. Martine Melloul, productrice à Los Angeles, et vice-présidente de l’association French in Motion, fait la même analyse : « L’oscar du meilleur scénario, c’est un succès, très peu de films français ont remporté des prix dans ce type de catégorie très “américaine.”»
Avec 10 nominations tricolores aux Oscars* (contre aucune l’année dernière), 2024 est un cru exceptionnel pour la France. Et même sans remporter de statuette, pour les nominés, le voyage à Los Angeles est de nature à changer la trajectoire d’une carrière. Stéphanie Clément, originaire d’Istres, confie repartir transformée par sa semaine hollywoodienne, riche de rencontres avec les autres nominés et l’industrie du cinéma.
« J’ai découvert que je pouvais réussir à m’exprimer, même en anglais, pour parler de ma démarche », confie cette grande timide, d’ordinaire plus à l’aise avec l’image qu’avec les mots pour dire « ce qui est à l’intérieur. » « Je ne suis plus tout à fait la même personne, j’ai grandi, gagné en confiance et en légitimité. » Un tremplin pour envisager la suite, à savoir un roman graphique qui lui tient beaucoup à cœur, et une série d’animation avec les studios Little Big Story. C’est aussi ça, la magie des Oscars.
*Cinq nominations pour « Anatomie d’une Chute » de Justine Triet et Arthur Harari, un pour chacun des films suivants : «Pachyderme » de Stéphanie Clément, « Letter to a Pig » de Tal Kantor, « Les Filles d’Olfa » de Kaouther Ben Hania, « Mon ami Robot » de Pablo Berger, et « Moi, capitaine » de Matteo Garrone. Ce décompte inclut les productions et co-productions françaises, majoritaires comme minoritaires.