A l’occasion du 30ème anniversaire de la disparition de François Truffaut, sa fille Laura, a raconté à French Morning les liens très spéciaux qui unissaient le célèbre réalisateur à Los Angeles.
Des 400 coups à La Peau douce, en passant par Baisers Volés, François Truffaut a filmé avec passion la capitale parisienne où il est né le 6 février 1932. Mais ce que le public sait moins, c’est que Los Angeles occupait également une place spéciale dans le cœur du réalisateur, disparu il y a 30 ans, le 21 octobre 1984.
« Mon père se sentait comme chez lui à Hollywood. Sans doute parce qu’il s’agissait de la capitale mondiale du cinéma. Il y était dans son élément, entouré d’autres passionnés» raconte sa fille aînée Laura Truffaut, qui vit depuis plus de 30 ans à Berkeley, en Californie. « Alors qu’à Paris, il ne sortait pas beaucoup, à Los Angeles, il aimait se rendre dans les soirées hollywoodiennes, dans lesquelles il nous a plusieurs fois emmenées ma sœur et moi, lors de vacances d’été que nous passions ensemble en Californie».
L’intérêt que porte Truffaut à Hollywood est réciproque : figure emblématique de la Nouvelle Vague française, le réalisateur est d’abord remarqué par les milieux cinéphiles new-yorkais dans les années 60. «Lorsque mon père a remporté l’Oscar du meilleur film étranger en 1974, pour La Nuit Américaine, il s’est mis à recevoir de très nombreuses propositions d’Hollywood» raconte sa fille. « En France, l’Oscar est passé quasi-inaperçu dans les médias, car l’événement a coïncidé avec la mort du président Pompidou ! Mais mon père était heureux : pour lui, cette reconnaissance signifiait que des portes pouvaient potentiellement s’ouvrir aux Etats-Unis, lui permettant notamment de financer de nouveaux films».
Le réalisateur français passe alors davantage de temps à Hollywood. «Après nos premières vacances californiennes, mon père m’a soutenue dans mon choix d’entamer des études de littérature à Berkeley. Lorsqu’il venait à Los Angeles, j’en profitais pour descendre le voir » se souvient sa fille.
De “Bonnie and Clyde” à Spielberg
A L.A, Truffaut a ses habitudes. « Il conduisait et savait extrêmement bien se repérer dans la ville. Il aimait passer du temps dans les librairies d’occasion et fréquentait les cinémas de Westwood. Il séjournait souvent au Beverly Hills Hotel et aimait y lire des scénarios, au bord de la piscine, mais n’y aurait jamais trempé un orteil ! A Los Angeles, il avait aussi son cercle d’amis proches, comme le réalisateur Jean Renoir et sa femme Dido. Un été, nous avons loué une maison dans les collines, non loin de chez eux, dans Benedict Canyon. Mon père avait aussi une petite équipe qui veillait sur lui composée entre autre d’un avocat et d’un agent, Rupert Allan, (qui s’occupait aussi de Grace Kelly)».
Mais Truffaut n’acceptera jamais aucune proposition de travail à Hollywood. « Il envisageait les Etats-Unis avec prudence. Il avait déjà été un peu refroidi par son expérience avec Fahrenheit 451 (première production européenne d’Universal Studios), qu’il avait tourné en Angleterre, après avoir d’ailleurs refusé une autre proposition américaine en 1967 : « Bonnie and Clyde ! ». Outre l’anglais qu’il maîtrise mal, Truffaut se méfie des méthodes des studios hollywoodiens. « Mon père tenait beaucoup à sa liberté de réalisateur et se méfiait de l’ingérence des studios qui disposaient du final cut».
Le tournage du film de Steven Spielberg « Rencontres du Troisième Type », dans lequel le réalisateur américain offre à Truffaut le rôle du Professeur Lacombe en 1977, ne fait que confirmer ses doutes : « Il a été troublé par la lourdeur de la hiérarchie sur les tournages et le poids des syndicats » note Laura Truffaut. Le réalisateur porte également un regard parfois critique sur le cinéma hollywoodien de la fin des années 70. « Il n’aimait pas le côté moralisateur, consensuel et un peu trop simpliste de certaines réalisations, comme « Kramer contre Kramer » : il s’en moquait en les qualifiant avec humour de films de Conseil d’Administration!».