Passée la joie du « graduation day », les étudiants français diplômés aux Etats Unis se confrontent à la dure réalité du marché du travail américain. Trouver un job aux States est un chemin semé d’embûches, même avec un diplôme d’université américaine en poche. L’arrivée de Trump n’arrange rien à l’affaire.
Première étape : l’OPT (Optional Practical Student). Accordé aux étudiants étrangers (dotés d’un visa F-1) venant de compléter un bachelor ou un master aux Etats Unis, l’OPT permet de travailler ou d’effectuer un stage rémunéré dans une entreprise américaine pendant un an. « Le salaire à la sortie d’une bonne université américaine est beaucoup plus élevé aux Etats-Unis qu’en France. Comme on a investi une grande somme dans nos formations, travailler sur place – en plus de l’intérêt qu’on porte à ces entreprises américaines – nous offre un retour sur investissement » souligne Hannah Dellenbach, en master à l’Engineering school de Columbia University. Les délais sont toutefois restrictifs : l’étudiant a trois mois maximum pour être embauché à compter du début de son OPT sous peine de retourner en France… de quoi faire monter la pression.
Ce qui nous mène à la deuxième étape : la recherche d’entreprise. C’est là le cœur du problème. Très peu d’entreprises américaines acceptent de prendre les étudiants internationaux fraîchement diplômés en OPT. Former quelqu’un qui partira au bout d’un an est une perte de temps. Sponsoriser ensuite un visa de travail H-1B pour garder l’étudiant à la fin de son OPT, en plus de coûter cher (généralement entre $3.000 à $7.000 de frais d’avocat), ne garantit rien. Les visas H-1B, limités à 65.000 par an, sont tirés au sort. Ce qui donne une moyenne de 1 sur 3 (en 2018, 190.000 demandes ont été enregistrées) même si les chances augmentent très fortement lorsqu’on est diplômé d’un master aux Etats-Unis, avec 20.000 visas réservés hors loterie.
L’OPT profite d’ailleurs plus à certaines filières qu’à d’autres. Les filières STEM (sciences, technologie, ingénierie, mathématiques), avec une majorité d’étudiants internationaux, sont extrêmement favorisées. Selon le Pew Research Center, plus de la moitié (53%) des étudiants sélectionnés pour un OPT entre 2004 et 2016 étaient en STEM. Leur OPT peut même s’étendre jusqu’à trois ans, ce qui est un vrai atout pour s’implanter en entreprise. D’autant que les sociétés dans le domaine des STEM sont à la recherche d’étudiants internationaux hautement qualifiés (les étudiants américains s’arrêtent souvent au bachelor).
Un rapport de la National Foundation for American Policy indique ainsi que 81 % des étudiants en ingénierie électrique et pétrolière aux US en 2015 étaient des internationaux. « Il y a une vraie demande : les étudiants chinois et indiens sont réputés en informatique et les Français en maths » confie Raphaël Laclose (nom modifié), en master de finance quantitative à Princeton. « C’est aussi stratégique pour ces entreprises d’avoir le cachet « diversity » si elles veulent s’implanter à l’étranger ».
C’est une toute autre histoire pour les filières littéraires qui se tournent souvent vers l’enseignement. Julia Malye, étudiante en Master d’écriture créative à l’Oregon State University de 2015 à 2017, a finalement dû rentrer en France (elle enseigne à présent à Sciences Po). « J’ai envoyé ma candidature à presque trente universités américaines pour être adjunct professor : très peu de réponses ». Selon elle, c’est le délai de l’OPT qui fait défaut : « entre le moment où l’on nous annonce si l’on a obtenu l’OPT et la date butoir pour trouver un poste, généralement entre juin et novembre, il y a très peu d’opportunités. Les universités recrutent bien plus tôt pour le fall semester, qui commence en septembre ».
Et pour tous ceux qui ont validé leur OPT, une nouvelle difficulté se profile : l’administration est beaucoup plus regardante sur les dossiers de demande de visa de travail H-1B (pour continuer à travailler aux Etats Unis) depuis l’arrivée de Trump. Si rien n’a changé au niveau législatif, dans les faits, la procédure se complique. Une étude de l’U.S. Citizenship and Immigration Services souligne que les demandes de documents complémentaires ou RFE (Request For Evidence) ont augmenté de 45% après l’élection du nouveau président.
Une technique alternative pour échapper à la loterie du H1-B consiste à jouer la carte du visa E2 destiné aux entrepreneurs français – et certains de leurs employés – lançant leur entreprise aux US. Il n’y a pas de quotas pour ce visa, ce qui multiplie les chances.
Face à cette « jungle » administrative, la meilleure solution reste de cibler les bonnes entreprises. « Le réseau joue beaucoup plus qu’en France » souligne Raphaël Laclose. Si sortir d’une bonne formation suffit à décrocher un entretien dans l’hexagone, les étudiants des grandes universités américaines sont tellement nombreux que le CV ne suffit pas. « On est des milliers avec la carte de visite Columbia », remarque Hannah Dellenbach.
Se contenter de répondre aux offres de stages ou d’emploi sur internet est souvent vain. Il faut donc s’habituer à démarcher les entreprises « à l’américaine ». Les messages personnels sur LinkedIn, les démarches auprès des “alumni” et les événements de networking organisés par les universités sont des très bonnes portes d’entrées pour se construire un réseau personnel.
L’objectif est de sortir du lot en entrant directement en contact avec les entreprises concernées pour qu’elles placent le CV au dessus de la pile. « Le stage en entreprise de mi-parcours, ou CPT, proposé par les masters en deux ans sont un vrai atout pour solidifier son réseau dans l’idée de se faire sponsoriser par la suite un visa de travail, ajoute Raphaël Laclose. Quand on ne reste qu’un an et qu’on enchaîne sur un OPT, on est davantage pris dans l’urgence ».
Différents Français ayant connu ces galères ont décidé de partager leur expérience pour aider les nouveaux prétendants au rêve américain. Avec « Aux portes des USA », Josiane Marshall, Megan Belli et Tatiana Biabiany proposent un suivi personnalisé à des candidats sélectionnés pour la rédaction du CV et la lettre de motivation, la recherche de stage dans des entreprises partenaires, un coaching pour les entretiens et la négociation du salaire. Le service est remboursé en cas de non-obtention du stage. La demande est forte : « On reçoit chaque matin entre 30 et 50 mails », selon Josiane Marshall.
Installé depuis cinq ans à New York grâce au visa E2, Josselin Petit Hoang propose une base de donnée pour faciliter la recherche de stages et de jobs. Celle-ci indique aux étudiants les entreprises installées aux Etats Unis ayant déjà sponsorisé un visa de travail pour un Français. Le service, disponible sur unjobpouralex.fr vient d’être lancé. Différents filtres (type d’emploi, zone géographique) sont applicables. “Les Etats-Unis ne veulent garder que les meilleurs : c’est la sélection naturelle, dit-il. C’est le darwinisme des diplômés étrangers“.
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