« Je vais découvrir du pays. On va traverser plein d’endroits, l’Amérique profonde », s’impatiente André Belibi Eloumou.
Pour rendre hommage à son père, parti du Cameroun vers la France en 1971 « avec les moyens du bord », et aux migrants du monde entier, le jeune coureur a fait le pari un peu fou de courir l’équivalent de 137 marathons (5794 km) lors de cette course baptisée “André Run USA“. Il partira du Brooklyn Bridge vendredi 1er novembre à 9am pour rejoindre Santa Monica en Californie. Le départ officiel de la course sera précédé d’une rencontre avec le sportif, d’une collation et d’un discours à partir de 7am, au Brooklyn Bridge Park, Pier 1.
Le jeune coach sportif de 33 ans a la bougeotte. Après avoir passé son enfance à Cherbourg et deux ans au Cameroun de ses 13 à 15 ans, il s’installe une dizaine d’années au Canada, avant de passer par Londres, Manchester, et le Koweït.
Tous les matins, sauf le dimanche, il partira à 8:30am pour parcourir environ 55 kilomètres sur les routes américaines, pendant plus de cinq mois. Et ce, quelles que soient les conditions météo. « Il va très faire froid, ça peut descendre jusqu’à -20°C et -30°C dans certains Etats ».
Le jeune Français n’en est pas à son coup d’essai. En 2017, il organise La Migrante, une course de 3 000 km reliant Cherbourg, sa ville natale, à Rabat, au Maroc. La création de cette performance de 3 mois et 13 jours, a une origine politique. André Belibi Eloumou est un sportif, mais il court pour rendre hommage aux immigrés et réfugiés du monde entier.
« Au départ, je ne suis pas du tout un marathonien, je suis un sprinter. J’ai commencé en 2017 pour me préparer pour Cherbourg-Rabat. Quand j’ai fini la course La Migrante, je savais qu’il allait se passer quelque chose, mais je ne l’ai dit à personne. Je savais que ça n’allait pas s’arrêter là.»
Sa course américaine a une signification particulière. « En Amérique, il y a eu beaucoup de flux migratoires. C’est un pays construit sur l’immigration. Je cours pour interpeller, pour augmenter la tolérance entre les différentes communautés qui ont bâti les Etats-Unis. »
Il n’a pas dessiné le tracé de sa course au hasard: « Brooklyn, c’est un gros port d’immigration ». Les étapes clés seront « des villes et des Etats marqués par l’immigration », « Pittsburg, Columbus, la Virginie Occidentale, l’Indiana, l’Illinois, Saint-Louis, Denver, Salt Lake City, l’Arizona et Los Angeles. » Il prévoit de faire un détour de 80 kilomètres à son arrivée en Californie, pour courir le long de la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis, là où le fameux mur impulsé par l’actuel Président Donald Trump doit être construit.
Si le coureur a déjà trouvé des soutiens dans plusieurs Etats, comme à Lake Ville, une petite ville de Pennsylvanie où une famille a promis de l’accueillir, il espère trouver « de nombreux soutiens sur la route », et que la course « prendra de l’ampleur », notamment pour l’aider à supporter les températures glaciales. « On commence à se faire connaitre, mais ce n’est que le commencement, il faut qu’on y arrive ». Sur 108 étapes, le jeune Français a déjà trouvé du soutien dans 21 d’entre elles.
Son objectif: récolter des dons pour permettre la scolarisation d’enfants réfugiés. Il utilisera la plateforme qu’il a créée en partenariat avec la Haute Commission des Réfugiés des Nations Unis. « L’éducation élève. Tout part de là. C’est trop important », confie le coureur.
La course est par ailleurs participative. André Belibi Eloumou invite le plus grand nombre à se joindre à lui, même sur une petite portion, à n’importe quel moment de la course. « On pourrait courir tous ensemble sur le pont de Brooklyn, ça serait un beau message.» En attendant le départ, il profite de ces quelques jours à New York pour se détendre. « Ça fait dix jours que j’ai arrêté de m’entraîner. Le corps va subir un traumatisme, ça va être intense. »