Au départ de Dakar, l’an dernier, les Sénégalais rassemblés sur la plage avaient le regard hagard. « Quand on leur a dit qu’on rejoignait la Guadeloupe sur notre petit catamaran, les mecs nous ont pris pour des extravagants ! », se souvient Benoît, la trentaine, le sourire facile. C’est pourtant ce qui s’est passé. Les deux skippeurs ont atteint Pointe-à-Pitre, après 11 jours et 11 heures passés en mer, détrônant l’équipe italienne détentrice du record depuis 2006.
Cet été, les deux Bretons repartent sur le bateau de leur succès pour une traversée inédite entre New York et Lorient. Sauf que l’Atlantique nord n’a rien à voir avec le sud, et ce qui fut une nuit à la belle étoile au large des côtes africaines peut se révéler cauchemar polaire sur ces eaux nordiques qui ne dépassent pas 5°C avant le Gulf Stream. Mais pas de quoi effrayer Benoît dont la première «transat » remonte à une petite dizaine d’années. « J’appréhende un peu c’est tout », concède-t-il.
Un bras de fer contre les éléments naturels
Pierre-Yves et lui ont cependant dû améliorer certains aspects de leur bateau où toutes les activités à bord se passent à l’air libre, afin de l’adapter à ces conditions extrêmes. Pas facile. « Quand tu relèves un record, il te suffit de regarder comment a été fait le bateau de l’équipe précédente et tu construis le même. Ici, on ne sait rien sur la course car nous sommes les premiers à la faire », explique Benoît. Résultat, le bateau aura nécessité un an de travaux, que les Lorientais, employés dans l’industrie navale, effectuaient le soir, pendant leur temps libre, de 21h à minuit.
Leur priorité ? « Améliorer le confort des passagers pour diminuer l’impact de la fatigue ». L’an dernier, peu avant leur arrivée à Pointe-à-Pitre, les deux skippeurs se sont retrouvés à l’eau deux nuits d’affilée, le bateau retourné, à cause d’un virement de vent qu’ils n’avaient pas vu venir, faute de vigilance. Conséquence au chrono : des heures perdues.
Contre de tels revers de fortune, ils ont mis au point une mini-tente isothermique sous laquelle ils pourront abriter le haut de leurs corps et éviter ainsi de dormir le visage fouetté par le vent. Dans la journée, le fait d’être assis l’un à côté de l’autre est salvateur, « c’est le coéquipier qui vous protège de l’eau et du vent !». De plus petits détails ont aussi été pensés. Le bateau est par exemple équipé d’un support pour le réchaud, afin d’éviter qu’il glisse et ne tombe à l’eau. Les skippeurs ont enfoui une bonne partie de leur budget, 90 000 euros principalement fournis par Octo Finances, entreprise d’investissement dans le micro crédit, dans cette transformation du bateau.
Sur le port de la Marina, dans le New Jersey, d’où partira le petit équipage autour du 10 juillet à la première fenêtre météo favorable, Benoît résout les derniers bricolages. « C’est obligé d’avoir la tête sur les épaules dans ce genre d’aventure. On ne peut pas partir à l’aveuglette sur un bateau et se dire : tiens, si on traversait l’Atlantique ? ».
Puis quand on lui demande pourquoi il fait tout ça, Benoît a l’air de l’aventurier qui ne sait pas trop pourquoi il fait les choses, mais les fait par plaisir. Pêle-mêle il invoque le goût du défi, les levers du soleil sur la mer, le surf avec les baleines. Pas complètement fous ces garçons…