Il vient de s’asseoir à Central Park, et prend enfin le temps de raconter ses mésaventures. Thimoté Polet, plus jeune skipper à avoir été au départ de la Transat CIC – la célèbre course transatlantique qui relie Lorient à New York, remportée par Yoann Richomme cette année – n’a pas eu la chance de pouvoir finir sa course. Samedi dernier, à seulement 250 miles de la ligne d’arrivée, il s’est blessé la main lorsque son bateau a brutalement démâté. Il a dû être hélitreuillé et envoyé d’urgence à l’hôpital de Barnstable, sur la péninsule de Cape Cod. Il vient de rentrer à New York. « Nous sommes en train d’organiser le rapatriement du bateau à Newport, et je vais rentrer en France pour me faire opérer de la main », raconte-t-il.
Cette course était pourtant une grande première pour le jeune navigateur de 23 ans, qui a grandi dans le milieu de la voile en Normandie. « Le Havre, c’est New York avec plus de verdure », dit-il en souriant. Après avoir fait ses armes en optimiste, qui lui permet de décrocher la médaille d’argent au Championnat de France puis de devenir champion d’Europe en duel en 2021, il choisit la course au large. « Je voulais revenir aux fondamentaux de la voile, me confronter aux éléments. »
Il signe un partenariat avec le groupe allemand Zeiss et le Français Weeecycling comme sponsors jusqu’en 2026, ce qui lui permet de courir la Transat Jacques Vabre en 2023, transatlantique en duo qui relie Le Havre à Fort-de-France, avec son Classe 40. La Transat CIC 2024 est sa première course transatlantique en solitaire, et dès le début, elle ne s’est pas passée comme prévu.
« 24 heures après le départ, nous avons enchaîné les dépressions sur l’Atlantique. J’étais au contact de Vincent Riou (ancien vainqueur du Vendée Globe, ndlr) mais j’ai eu très vite des problèmes avec le pilote automatique. Mon moteur a cessé de démarrer, j’ai dû le démonter et remonter plusieurs fois, et finalement, il a rendu l’âme ». Privé de GPS, de moyens de communication et de pilote automatique, il doit reprendre la barre en permanence, ce qui lui laisse peu de temps pour dormir et manger.
Thimoté Polet tient bon, et à 24 heures environ de l’arrivée, il croit en ses chances de passer la ligne d’arrivée. « Le vent est monté, je n’avais pas de données météo mais je suis resté serein. Mais d’un seul coup, le mât m’est tombé dessus, je me suis baissé par réflexe et il m’a écrasé la main. Ça aurait pu être beaucoup plus grave ». La douleur est fulgurante pour le marin, dont le petit doigt a été brisé en trois morceaux. Réalisant l’urgence, il déclenche sa balise de détresse, appelle l’organisation de la course avec son téléphone satellite et prévient son équipe à terre. Il ne peut plus naviguer, il doit être évacué par hélicoptère. Une fois les sauveteurs prévenus et en route, il n’a que peu de temps pour se faire repérer et hélitreuillé, pour des raisons d’essence. « J’ai enfilé une combinaison de survie et nagé comme j’ai pu jusqu’au plongeur, qui m’a remonté dans l’hélicoptère ». Une fois sorti de l’hôpital avec son attelle, il revient à New York, déçu mais philosophe.
« Cette course a été très dure du début à la fin, je suis content de ne pas avoir abandonné. Il faut désormais comprendre la cause de ce démâtage ». Le bateau sera rapatrié en France pour y installer un nouveau mât, et Thimoté Polet doit recevoir son nouveau Classe 40 en décembre prochain, pour les courses de 2025. En attendant, il va se soigner, pour repartir de plus belle. « Bien rebondir, c’est l’essentiel aujourd’hui », annonce-t-il optimiste.