Quatre femmes, quatre univers, une boutique. Le samedi 25 mars, The Coven Project sera officiellement inauguré sur Sacramento street, dans le quartier de Pacific Heights à San Francisco, et offrira vêtements, bijoux et accessoires de seconde main sélectionnés avec soin par les quatre femmes à l’origine de cette nouvelle initiative, deux Françaises et deux Américaines.
Jusqu’à présent, chacune opérait indépendamment, souvent sous forme de pop up : Leïla Bernard a créé Picky Monday, spécialisé dans les vêtements d’occasion pour enfant, Carole Pochard chine dans l’adulte vintage sous l’enseigne Neat and Kind, Monica Urick tenait jusqu’en décembre 2022 Monkei Miles, un magasin également spécialisé dans l’enfant, et Cady Shadwick, chasseuse de bijoux précieux sous le nom The Rajah Press. « Le terme “coven” désigne une assemblée de sorcières, explique Carole Pochard. Nous avons choisi ce nom car il reflète bien l’aspect collaboratif de cette boutique. En outre, c’est un projet ouvert à d’autres petites entreprises qui partagent les mêmes valeurs que nous sur les manières responsables de consommer et qui voudraient y organiser des pop up. »
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Leïla Bernard a encore du mal à réaliser qu’elle a maintenant sa propre boutique. En effet, la décision d’ouvrir un magasin partagé à quatre a été prise rapidement : « Une boutique de jouets et vêtements cherchait à écourter son bail. Sa créatrice connaissait Monica, qui m’a proposé de faire partie de l’aventure avec Cady. J’ai pensé à Carole pour compléter l’équipe. Le choix des participantes a été à la fois motivé par la complémentarité de nos business, ainsi que nos affinités personnelles. On eu les clefs du magasin le vendredi, on a emménagé le samedi et ouvert pour la première fois le dimanche. »
Ce modèle collaboratif présente bien des avantages financiers pour les quatre collaboratrices, à commencer par un partage du prix de la location. « Dans la seconde main, les marges sont assez réduites, donc c’est difficile pour une petite entreprise comme les nôtres d’assumer les coûts locatifs. La pression financière n’est pas du tout la même quand on peut partager cette responsabilité, et le pas est aussi mentalement plus facile à franchir », souligne Leïla Bernard.
Par ailleurs, chacune peut bénéficier désormais des clientèles des trois autres. Dès le soft opening début mars, la boutique est devenue le point de ralliement des clients qui achetaient auparavant individuellement chez chacune des fondatrices : parents, enfants, clients branchés ou simplement adeptes d’une consommation responsable. « Nous nous apportons l’une l’autre nos clientèles : on peut venir dans la boutique pour acheter un bijou chez Cady et découvrir nos sélections de vêtements par la même occasion et pourquoi pas repartir avec une veste vintage pour soi ou un pyjama d’enfant… » Pour son ouverture officielle le samedi 25 mars, The Coven Project proposera justement des ateliers gratuits pour cette clientèle intergénérationnelle : les adultes pourront s’initier à l’upcycling, l’art de donner une nouvelle vie à un vêtement, tandis que les enfants pourront fabriquer des badges grâce à des chutes de tissus.
Ce modèle collaboratif offre également une grande flexibilité quant à la présence de chacune à la boutique : là encore, les tâches sont partagées. Carole tient le magasin le jeudi, Leïla le vendredi, Monica le samedi et le dimanche reste encore à définir. « J’avais depuis longtemps l’envie d’ouvrir mon propre magasin, mais pas à n’importe quel prix, explique Leïla Bernard. C’est très contraignant de tenir un magasin six jours par semaine, ou de recruter quelqu’un pour le faire. L’organisation du Coven Project me permet de garder un équilibre entre ma vie d’entrepreneuse et ma famille. » Carole Pochard et Leïla Bernard vont d’ailleurs continuer à participer aux marchés qui les ont fait connaître, mais à un rythme moins soutenu.
Afin de tester la viabilité de leur projet, les quatre collaboratrices ont signé un bail de six mois, qu’elles espèrent bien renouveler. Elles ont constaté une nette évolution des mentalités en faveur de la seconde main. « Il y a encore quelques années, quand je travaillais chez Mini-Chic [NDLR: une boutique de seconde main pour enfants], des clients passaient la porte par curiosité, mais quittaient la boutique précipitamment dès qu’ils comprenaient que les vêtements n’étaient pas neufs. Ce concept pouvait être rédhibitoire à l’époque, se souvient Leïla Bernard. Aujourd’hui, la seconde main est devenue un argument de vente : on fait une bonne action, en consommant de façon réfléchie les objets qu’on aime. »
Le choix du quartier où ouvrir The Coven Project n’est pas non plus anodin, et reflète cette évolution positive : Pacific Heights est en effet plutôt bourgeois, avec ses rues bordées de petites boutiques chics de décoration ou de prêt-à-porter. Ce quartier compte toutefois déjà deux magasins de seconde main dans la même rue que The Coven Project. « On voit que la seconde main se démocratise, elle ne se cantonne plus aux friperies de Haight Ashbury. Une boutique comme la nôtre prouve qu’on peut acheter des vêtements d’occasion de qualité, propres et joliment présentés, à moindre coût. »