Résidant dans l’Est du Texas, Jeff Gusky est médecin urgentiste, mais aussi photographe. Une passion qui lui est venue en Europe de l’Est, où il faisait un voyage sur les traces de sa judaïté et qui lui a ouvert les yeux sur les massacres de masse.
L’objectif du photographe? Fixer l’absence, par le biais d’expositions (comme celle accrochée en 2003 aux côtés de tableaux de Goya au Meadows Museum de Dallas, Images of Human Tragedy) ou d’un essai photographique (Silent Places, paru en 2004).
Après avoir travaillé sur l’Holocauste, l’artiste médecin voulait s’attaquer à « la première destruction de masse moderne : la Première Guerre Mondiale ». A partir de 2011, il a donc multiplié les voyages en Europe, et notamment en France, pays qu’il affectionne particulièrement même s’il parle très peu français (« une honte »).
Et c’est dans l’Hexagone qu’il a trouvé le sujet de son dernier projet photographique : les carrières souterraines dans lesquelles les poilus se mettaient à l’abri de l’artillerie lourde qui commençait à faire ses ravages. Ils y étaient soignés, voire priaient, et surtout ont laissé de nombreuses traces de leur passage, justifiant le classement comme Monuments historiques de plusieurs de ces anciennes garnisons de fortune (même si des centaines restent non protégées).
Un an de photo souterraine
« Après avoir passé du temps dans les Vosges au printemps 2012, j’ai hésité à annuler un rendez-vous avec un élu local dans le secteur du Chemin des Dames, se souvient Jeff Gusky. C’était le dernier de la journée, j’étais épuisé. » Mais la découverte des inscriptions, dessins et autres sculptures laissés par les soldats de diverses nationalités l’a émerveillé au point qu’il est revenu immortaliser ces témoins du conflit centenaire pendant un an, transportant tout le matériel nécessaire pour photographier dans le noir dans des conduits souvent étroits.
« Ces anciennes carrières sont méconnues, car elles sont généralement situées sur des propriétés privées. Et les petits villages français sont insulaires. Ils ne veulent pas que le monde extérieur vienne à eux. Mais ma position d’observateur extérieur, mon enthousiasme, puis mes photos m’ont permis de créer des relations uniques avec les Français en dépit de la barrière de la langue », raconte le Texan.
Quelques deux milliers de clichés en libre accès sur JeffGusky.com permettent maintenant au grand public de s’approprier ce patrimoine. En rappelant ainsi l’impact de la Première Guerre Mondiale, le photographe a l’impression de « sauver plus de vies qu’aux urgences, où je ne peux me tenir qu’auprès d’une personne à la fois ».
Déjà prévue à Soissons et aux Invalides, l’exposition du Hidden world of WWI devrait faire le tour du monde pour Jeff Gusky. « Nous avons déjà des contacts en Chine et en Inde et cherchons des sponsors pour créer une exposition internationale capable de créer un nouveau paradigme. Le Centenaire de la Première Guerre Mondiale se poursuit jusqu’en juin 2019. »
Photos : Jeff Gusky.