La Citroën Traction attire les regards des curieux et les flashs d’appareil photo partout où elle s’arrête. Avec au volant Fanny Adam, le modèle français datant des années 50 a traversé une partie de la Panaméricaine, de l’Alaska à Los Angeles, en trois mois. A ses côtés, son copilote Gildas Valais a capturé cette aventure avec sa caméra. Arrivée dans la cité des Anges le 28 septembre, Fanny Adam fait le point sur un périple qui n’en est qu’au commencement puisque le duo va rouler jusqu’à Ushuaïa.
Ce projet, c’est Terra America. « J’avais envie de réaliser un grand voyage dans une voiture qui datait de la construction de la route panaméricaine, mais cela n’avait aucun sens de rouler sans but », admet la Bretonne qui voulait arpenter la route dans un véhicule français et adapté à toutes les situations.
Elle se tourne alors vers Nicolas Hulot pour l’aider à trouver une « ligne éditoriale » entre les quatorze pays qu’elle va traverser. L’écologiste lui souffle comme dénominateur commun les peuples autochtones. « J’ai décidé, avec le regard de madame tout le monde, de ramener un témoignage sur leur vie, leurs traditions, leur vécu du Covid…», détaille Fanny Adam. Un sujet qui n’est pas si éloigné de son parcours : docteur en chimie, elle a travaillé sur la médecine traditionnelle et a aussi été sensibilisée lors de son expatriation en Polynésie.
Avant d’enclencher la première, elle a sélectionné vingt-et-un peuples avec une journaliste, dont trois aux Etats-Unis. Elle a ainsi été à la rencontre des Athabascans en Alaska, des Navajos et des Tohono Oʼodhams. Des rencontres facilitées par leur vie rudimentaire durant ce voyage et leur venue dans cette voiture ancienne. « Cela n’aurait pas été le même accueil en SUV », avoue la Française qui a convaincu des sponsors de financer ce voyage.
L’impact des violences domestiques
Avec son léger recul, un sujet ressort : les violences faites aux femmes, et notamment domestiques « avec beaucoup d’incestes et de viols sur fond d’alcoolisme et de drogue », appuie Fanny Adam qui a discuté longuement avec les « aînées » des communautés d’Amérindiens. « Elles m’ont beaucoup touchée, j’ai beaucoup pleuré ». Elle garde notamment en tête sa rencontre avec Shirley, en Alaska, une « aînée » qui souhaite adopter Gildas Valais et elle.
Fanny Adam a aussi abordé longuement le sujet des disparitions récurrentes des femmes amérindiennes, notamment en Alaska. « Les médias n’en parlent pas contrairement à celui de Gabrielle Petito, qui est blanche, regrette-t-elle, ajoutant : beaucoup de femmes de ces communautés sont tuées ou utilisées pour le trafic sexuel. » Au gré de ces découvertes, la trame de son voyage hors norme de 75 jours a évolué. « Ce que je retiens, c’est que les peuples ont été abîmés par l’homme blanc, mais aussi leur résilience. »
Outre le sujet des Native Americans, le duo français a été interpellé par les paysages du Montana, mais aussi par les ravages de la pollution avec le smoky fog. En Alaska, « le laboratoire du changement climatique », Fanny Adam a ainsi réalisé l’impact de ce dérèglement sur l’absence de saumon et s’est entretenu avec un glaciologue. « Cela m’a donné envie d’agir », assure celle qui travaillait jusqu’alors dans l’informatique.
La base d’un concept d’émission ?
A l’heure d’un retour temporaire en France, elle reconnaît que ce projet s’est révélé « un peu extrême ». « C’était spontané, nous ne sommes pas des professionnels », rappelle-t-elle, semblant exténuée par les journées frénétiques. Ils ont rencontré quelques complications sur la route, comme un amortisseur qui les a lâchés en Alaska, l’absence de climatisation pesante lors de la route en Californie, le budget serré… Des contraintes vite évincées par l’envie de montrer « qu’on peut réaliser ses rêves ».
Ils rentrent désormais à Paris pour dérusher les centaines d’heures d’entretiens filmés par Gildas Valais, avant de s’envoler à nouveau, dans quelques semaines, pour l’Amérique centrale pour poursuivre leur traversée de la Panaméricaine.
Au terme de ce voyage, ils prévoient d’en faire une série documentaire et sont en négociations avec une chaîne de télévision. Et ils veulent aller plus loin, en transformant l’expérience en un « concept d’émission », où une femme va à la rencontre de peuples autochtones à travers le monde. Pour Fanny Adam, « cela nous donnerait une audience et donc des moyens pour agir. »