Il est arrivé de Paris à l’aéroport de Newark mercredi. Tariq Ramadan qui participait le week-end dernier à la 27e Rencontre des musulmans de France au Bourget est en visite aux Etats-Unis pour la première fois depuis qu’Hillary Clinton a levé en janvier l’interdiction de visa qui pesait sur lui depuis 2004, officiellement pour une donation faite au Hamas.
Une fois les “formalités douanières” accomplies (il a été questionné pendant une heure, raconte-t-il au New York Times), Tariq Ramadan a entamé un véritable marathon médiatique. L’attachée de presse en a encore le tournis : Christiane Amanpour sur CNN, NPR, le New York Times, New York Magazine.
Nicolas Sarkozy a dû avoir les oreilles qui sifflent. Tariq Ramadan a cité la France à plusieurs reprises, notamment lors de la table ronde intitulée : «Sécularisme, Islam et démocratie : les Musulmans en Europe et dans le monde occidental», qui s’est tenu à Cooper Union dans l’East Village. Tariq Ramadan, costume gris impeccable et chemise bleue, a égratigné la politique française: «Les femmes qui portent le voile ont choisi de le porter». Applaudissements de l’auditoire.
L’événement couvert par une cinquantaine de journalistes était organisé par The Cooper Union, plusieurs associations AAUP, ACLU, PEN American Center, et le magazine en ligne Slate. “C’est la première fois que je vois un événement musulman à New York qui est à guichet fermé”, note Omar, un New-yorkais pakistanais qui n’a pas réussi à obtenir de billet.
Sous la présidence Bush, cet intellectuel suisse controversé s’était vu interdire l’accès au territoire américain, où il devait occuper une chaire universitaire dans l’Indiana. Désormais professeur d’Etudes Islamiques à Saint-Anthony’s College (Oxford), il est revenu hier sur l’idée d’un moratoire sur la lapidation. Lors d’un débat avec Nicolas Sarkozy alors Ministre de l’intérieur dans l’émission 100 Minutes pour convaincre en 2003, Tariq Ramadan avait été accusé d’éviter de donner une position claire sur ce sujet et de «cacher son jeu». “Quand on voit les relations de Nicolas Sarkozy avec l’Arabie Saoudite, on se demande quel est celui qui tient un double discours», a-t-il lancé hier.
Sur la question des banlieues françaises, il a expliqué : «Ce n’est pas une question de religion. Il faut une politique sociale, des citoyens égaux.» L’une des membres du panel, Dalia Mogahed de l’institut Gallup a souligné que : “Les musulmans sont plus éduqués que la moyenne aux Etats-Unis. Ils ont un emploi, sont entrepreneurs. Le contraste est très fort avec l’Europe où ils sont désavantagés socio-économiquement”. «On est davantage “transparent” à New York. On n’a pas l’impression d’être stigmatisé”, explique Nadia, une jeune Française musulmane présente dans la salle, qui travaille à la Société Générale à New York.
«Il apporte un message : il n’y a pas de contraction entre notre culture musulmane et la société», poursuit-elle. Pour Moncef un Tunisien du New Jersey, «C’est la même histoire qu’il recycle». Une autre Française présente à la conférence ajoute : «Surtout ne dites pas dans votre article qu’il est un prédicateur, c’est un philosophe.» Une question de point de vue.