« Un tableau ne rendra jamais toutes les vies qui ont été prises mais c’est une petite victoire sur le barbarisme ». Laurent Vernay s’exprimait, lundi 1er avril, face à un public ému dans la somptueuse salle de réception du Consulat général de France à New York, en présence du ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian.
L’arrière-petit-fils du collectionneur de maîtres hollandais Adolphe Schloss est venu de Paris avec son frère Michel Vernay et Eliane Demartini, épouse d’un ancien résistant de la Seconde Guerre mondiale proche de la famille Schloss, pour recevoir l’un des tableaux de leur aïeul spolié par les nazis en 1943.
Le tableau, « Un Savant taillant sa pipe », peint en 1639 par Salomon Koninck, est l’une des 333 œuvres de la vaste collection Schloss saisie par les nazis sous l’occupation en France, passée par les quartiers généraux d’Hitler et aujourd’hui encore en partie dispersée.
Le tableau restitué a resurgi en novembre 2017, lorsque la maison de ventes aux enchères Christie’s à New York l’a reçu d’un marchand d’art au Chili. Notifié par le département des restitutions de Christie’s, le FBI et le bureau du procureur des Etats-Unis pour le district sud de New York ont lancé une enquête.
« C’est plus que le simple retour d’un beau tableau, a témoigné le procureur Geoffrey Berman. C’est un lien physique avec un grand héritage. » Lui succédant au pupitre, Marc Porter, président de Christie’s America, recense encore 200 réclamations auprès du département dédié. « Parfois, le tableau est financièrement lucratif mais dans la majorité des cas, il a une valeur émotionnelle et culturelle pour la famille qui le réclame », a constaté l’expert, peu avant que l’œuvre sous un drap ne soit révélée.
Jean-Yves Le Drian a quant à lui rappelé les mesures mises en place par la France pour restituer les quelque 100.000 œuvres signalées, dont près des deux tiers ont été retrouvées. « C’est à l’évidence un devoir de justice, a déclaré le ministre en préambule. Alors que la France et avec elle l’ensemble de l’Europe et les pays occidentaux, y compris les Etats-Unis, l’attentat de Pittsburgh [l’attaque d’une synagogue qui a fait 11 morts en octobre, ndlr] l’a tragiquement rappelé, doivent faire face à une résurgence de l’antisémitisme sans précédent depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, cette restitution, c’est aussi un devoir de conscience », a-t-il ajouté.
Pour les ayant-droits du tableau, ce geste est un symbole d’espoir. « A un moment où les survivants de l’Holocauste disparaissent, c’est un événement majeur et historique pour nous, a souligné Michel Vernay. Pas seulement pour moi en tant qu’héritier. C’est aussi une page importante de l’histoire qui s’ouvre aujourd’hui. »