Après avoir levé plus de vingt millions de dollars en phase d’amorçage, la start-up de technologie financière Sunday a réalisé fin septembre un tour de table de série A à cent millions. Pour ce projet, Tigrane Seydoux et Victor Lugger, co-fondateurs de la chaîne de restauration italienne Big Mamma basée à Paris, ont fait équipe avec Christine de Wendel. Forte d’une expérience de dix ans en commerce électronique des entreprises aux particuliers (chez Zalando puis ManoMano), elle dirige désormais la branche américaine de Sunday depuis Atlanta, en Géorgie – dont elle est originaire.
« Victor Lugger m’a contactée début 2021, alors que je venais de me réinstaller aux Etats-Unis », raconte l’entrepreneuse, CEO US de Sunday. « Son idée ? Révolutionner le paiement dans les restaurants et les hôtels où l’attente est généralement longue ; puis dans l’ensemble du commerce de détail physique. Nous avons combiné son ADN de restaurateur à mon expérience de scale-up (changement d’échelle, ndlr), et nous ne pouvons être qu’optimistes en pensant à ce que PayPal a fait pour le commerce électronique et Venmo pour le pair-à-pair. » Leur solution de paiement mobile pour restaurants, qui fonctionne grâce à la lecture d’un QR code, a déjà conquis plus de 2000 restaurateurs à travers le monde.
Une application mobile disponible dans cinq pays
Pour séduire le fonds américain Coatue (qui a investi dès avril), Sunday « ne s’est pas positionnée comme une start-up française – d’ailleurs domiciliée administrativement aux Etats-Unis –, mais bien comme un groupe d’entrepreneurs qui souhaitaient développer leur produit des deux côtés de l’Atlantique », insiste Christine de Wendel. « Philippe Lafont, directeur français du fonds, avait déjà testé la version bêta de notre produit et avait une certaine appréciation pour notre projet ».
Lancée simultanément en France, au Royaume-Uni, en Espagne et aux Etats-Unis, l’application est désormais également disponible au Canada depuis l’acquisition récente de CHK PLZ, dont « les fondateurs partagent les valeurs et la vision de Sunday. Leurs trois années d’existence et les quelque 300 restaurants actifs nous ont permis d’entrer sur le marché canadien de façon agressive », se félicite la directrice franco-américaine. La société compte aujourd’hui plus de de 200 employés, dont une cinquantaine en Amérique du Nord. « Nous sommes pour l’instant focalisés sur la côte Est, avec des bureaux à Montréal, New York et Atlanta – une ville qui monte pour son bassin d’emploi, sa qualité de vie et son écosystème entrepreneurial », explique Christine de Wendel. « Sunday est un produit très localisé pour lequel il est important d’avoir des gens sur le terrain », ajoute-t-elle.
Près de vingt ans après son invention, le QR code enfin généralisé
Trois facteurs essentiels ont contribué à l’accélération du développement de Sunday : l’adoption du QR code (« qu’aucun restaurateur ne voulait en mettre sur sa table jusqu’alors, et que les consommateurs ne savaient de toute façon pas les utiliser », rappelle Christine de Wendel), l’appétit pour l’innovation (« le secteur de la restauration, dévasté par la pandémie, est désormais ouvert au changement ») et la pénurie de salariés (« Sunday permet aux établissements qui n’arrivent pas à embaucher de continuer à assurer un niveau de service satisfaisant même avec 20% de serveurs en moins »).
Le pourboire sauvegardé
Michelle Poteaux, chef et co-propriétaire du restaurant français Bastille Brasserie & Bar à Alexandria, en Virginie, se souvient avoir été approchée par la start-up cet été. « Nous utilisons la solution de point de vente d’Oracle MICROS (un logiciel, ndlr), et Sunday voulait s’assurer de la compatibilité de leur produit avec notre système. Cela fait plusieurs années que des options QuickPay nous sont présentées, mais aucune ne semblait jusqu’alors adaptée à notre marché ou à notre clientèle. La France, très habituée à la technologie “Chip&PIN” (paiement sécurisé à puce électronique et à code PIN, ndlr), est en avance sur les Etats-Unis ». Les Américains n’utilisent quasiment que des cartes de crédit à bande magnétique qui requièrent une signature.
Sunday a changé la donne, notamment en permettant aux clients « de voir et de partager l’addition – en parts égales ou non –, et de régler la note sans avoir à attendre qu’un serveur disponible ne la leur apporte », souligne Michelle Poteaux. « Nos serveurs apprécient vraiment le côté pratique de l’application. Ils avaient au départ émis quelques doutes concernant leur gratification, mais ils ont reçu en moyenne 19,7% et 20,3% de pourboire ces deux derniers mois. »