“Je suis dégoûté de la situation, mais sans stage je ne peux financièrement pas rester. J’espère revenir à New York dès que la situation du coronavirus sera maîtrisée” explique Damien Saguez, jusqu’alors stagiaire E-merchandiser chez The Kooples, à New York. Comme lui, bon nombre de Français en stage aux Etats-Unis sont confrontés à une telle situation. Ils perdent leur stage, mais en même temps, un retour en France devient de plus en plus compliqué.
Du Consulat français au vol retour pour Paris
En Floride, du côté de Miami, Melissa Kim a plié bagages pour la France le samedi 14 mars. Alors que son poste de responsable marketing, pour une société de kite-surf, est encore maintenu, elle décide de rentrer avant qu’il n’y ait plus de vols. En stage depuis novembre 2019, elle devait rester un an. “Après avoir constaté l’aggravation de la situation en France, j’ai appelé le Consulat général de France afin de savoir quelles étaient les conditions de rapatriement. Ils m’ont répondu qu’ils n’étaient pas au courant et que c’était à nous (stagiaires) de trouver un moyen de rentrer” explique-t-elle.
Rania Chafi, également installée à Miami depuis mai 2019 pour un stage chez un tour opérateur américain, raconte être allée “au Consulat au lendemain de l’annonce du Président Emmanuel Macron. Lorsque je suis arrivée, des vigiles filtraient les passages et ne laissaient pas entrer facilement les Français. Une fois que j’ai pu parler à quelqu’un, on m’a clairement fait comprendre que le rapatriement ne concernait que les personnes en état d’urgence. On m’a expliqué que je pourrais rentrer le lendemain ou le vendredi suivant avec un vol commercial, mais qu’il valait mieux que je me renseigne directement auprès des compagnies aériennes.” Initialement engagée jusqu’en juillet prochain, elle s’est faite licencier pour des raisons économiques. “J’étais vraiment sous le choc. J’ai tout de suite contacté mon organisme sponsors, le CIEE. On m’a dit que je pouvais rester à condition que je trouve un autre stage sous 30 jours, mais au vu de la situation actuelle, je savais qu’il était plus raisonnable de rentrer en France”. Après avoir contacté Air France, la jeune française a pu réserver un vol pour le samedi 21 mars. “En tant que stagiaire, la situation a été compliquée à gérer. Je n’avais pas les revenus suffisants pour rester, ou même me faire soigner. Des discours différents se propagent sur les groupes Facebook, et le Consulat ne m’a pas rassurée” continue-t-elle.
A New York, Eva Djelassi et Pauline Marquer étaient en stage chez Atout France, respectivement en tant que “special event assistant” et “public relations assistant”. Etudiantes à l’EDHEC, à Lille, elles comptaient rester jusqu’à cet été. “Cela faisait quelques semaines que notre boulot nous conseillait de rentrer suite aux annonces de fermeture des frontières en France et des restrictions de rapatriement. Au début on ne voulait pas, mais on a appris que les vols retours allaient être suspendus à partir du dimanche 22 mars et que le gouverneur de New York souhaitait mettre en place le confinement”. Pauline Marquer poursuit : “On a dû prendre notre décision la veille pour le lendemain. On avait anticipé les démarches concernant notre travail, l’appartement et les billets d’avion. Il n’y avait plus qu’à faire nos valises”. Les deux Françaises sont allées directement à JFK pour prendre leur billet et ont pu embarquer, après 8 heures d’attente.
Du télétravail au licenciement, c’est ce par quoi est passé Damien Saguez, en stage chez The Kooples, à New York, depuis le 20 février. Il devait rester jusqu’au 12 août. “Cela faisait quelques jours qu’on nous avait mis partiellement en télétravail. Dès dimanche 15 mars, il est devenu permanent. Le lendemain, je me préparais à travailler de chez moi quand à 10h, ma responsable m’appelle pour m’expliquer qu’ils ne pourraient pas maintenir ma rémunération. Elle m’a expliqué que je pouvais continuer de travailler pour eux, mais sans être payé, ou bien rentrer chez moi et qu’ils prendraient en compte le billet d’avion. J’en ai parlé à ma famille et on a pris la décision que je rentre dans la semaine”.
Retour à Paris, mise au confinement
Sur le chemin du retour, la plupart de ces stagiaires ont été surpris du manque de contrôle et prévention sanitaires aux aéroports de Miami, New York et Paris. “A Miami, tout s’est passé comme d’habitude, aucun contrôle particulier n’a été fait. Dans l’avion l’équipage portait des gants et des masques, mais nous étions tellement de passagers que des mesures supplémentaires auraient dû être prises” estime Rania Chafi. “A New York, il n’y avait aucun message de prévention pour le coronavirus, et aucun contrôle sanitaire avant d’embarquer. La même chose en arrivant à Paris. En revanche à Strasbourg, où je me rendais, il y a de la prévention dans les gares, des gels hydroalcooliques à disposition et les taxis sont nettoyés (poignet, siège, ceinture) pour chaque passager” remarque Eva Djelassi. Pour Rania Chafi, la course aux trains a été une étape compliquée et stressante. “J’habite près de Lyon, et il n’y avait pas de vol direct de Miami. J’ai donc recherché un train au départ de Paris. Sur le site de la SNCF, rien n’était expliqué, les trains apparaissaient un coup complets un coup disponibles. Heureusement une amie m’a donné la référence de son train, Paris-Lyon, et j’ai pu rejoindre le domicile de mon frère, chez qui je vivais en colocation auparavant. Je ne veux pas retourner chez mes parents pour éviter de les contaminer, si jamais je suis porteuse du virus” explique-t-elle. A New York, le confinement n’est conseillé que depuis ce dimanche 22 mars au soir, alors qu’en France il est effectif et obligatoire depuis plus d’une semaine. “Ce qui m’a choqué c’est la différence “d’ambiance” entre New York où nous n’étions pas confinés et Lille où personne ne sort de chez lui. C’est tellement calme que de chez moi j’entends les annonces de la gare SNCF, située à quelques rues” remarque Pauline Marquer.
Un avenir scolaire préservé
Les écoles françaises conseillent à leurs étudiants, partis à l’étranger, de retourner auprès de leur famille. “L’EDHEC nous avait envoyé un mail pour nous rassurer sur le fait que peu importe notre décision de rentrer ou non, cela n’affecterait pas notre année et notre stage serait validé” mentionne Eva Djelassi. En attendant, les deux étudiantes, Pauline Marquer et Eva Djelassi, continuent leur stage à distance, ce qui leur permet de ne pas passer totalement à côté de l’expérience. “Au lendemain de mon retour, c’était vraiment très difficile, raconte Pauline Marquer. J’avais une boule dans la gorge et les larmes n’étaient pas loin. Petit à petit on digère le retour, on relativise et on profite de notre famille”. Pour Melissa Kim, il s’agissait d’une année de césure dans ses études. “J’ai la chance de pouvoir continuer mon travail à distance. Je vais continuer comme ça jusqu’a cet été, et ensuite je verrai pour continuer mes études” conclu-t-elle. Rania Chafi, elle, avait enchaîné deux stages à Miami car elle ne souhaitait par rentrer en France immédiatement. “Maintenant que je suis rentrée, dit-elle, je vais attendre que la situation se calme pour chercher du travail. Le domaine du voyage m’intéressait mais il est trop touché par la crise du coronavirus. J’espère pouvoir toucher dans un premier temps le chômage”.