Une fanfare, des cheerleaders, et sur le terrain, des joueurs galvanisés par tout un lycée qui vibre pour eux en tribunes… Aux États-Unis où le sport est une religion, les jeunes pratiquent leur passion intensément, au sein de leurs collèges et lycées. Jusqu’à intégrer, pour les plus doués, les équipes quasi-professionnelles des universités, avec souvent une bourse à la clef. Basketball, football américain, hockey, volley-ball, baseball, natation ou gymnastique… Pour les Français aux États-Unis, accompagner son ado dans ces entraînements intenses qui rythment sa vie est une incroyable opportunité, autant qu’un défi. Car tous ne sont pas de futurs Léon Marchand, le quintuple médaillé olympique qui s’entraîne au Texas. Alors, jusqu’où faut-il les encourager ?
En arrivant à Austin, il y a trois ans, Samuel, qui jouait jusque-là au rugby, a eu un « coup de foudre » pour le football américain. À 15 ans, il évolue aujourd’hui en défense, dans l’équipe de son lycée. Il s’entraîne 4h par jour, dès 6h15 du matin, entouré de coachs et de préparateurs. « Un encadrement presque professionnel », se félicite son père, Joachim. Le rêve de Samuel ? Intégrer une équipe universitaire de football américain. Un graal qu’il pourrait bien décrocher. « Nous avons eu la chance qu’il se fasse repérer par l’université de Dallas, qui l’a invité à venir voir un match et discuter avec les joueurs, raconte Joachim, qui a décalé son voyage en Europe pour accompagner son fils, en novembre. Quand je lui ai annoncé, il a pleuré de joie ! C’est le seul de son école à avoir eu cet honneur. Depuis, il est encore plus motivé. »
De fait, le sport occupe une place à part dans la vie des Américains. Car si, pour les plus petits, il s’agit d’un loisir, les sélections deviennent plus difficiles à mesure que les jeunes grandissent. En middle school et en high school, faire partie d’une équipe est une voie d’excellence. Cela implique de respecter un calendrier strict des saisons, des entraînements et des matchs; parfois de voyager à travers le pays pour participer à des tournois; d’acheter des équipements coûteux; de participer à des actions de fundraising et de bénévolat; de représenter son école… Le tout sans baisser la garde sur les résultats scolaires. Pour les familles, un réel engagement, doublé d’une plongée dans la culture américaine.
« Je crois que ce qui a le plus plu à Samuel dans le football américain, c’est l’engouement, souligne son père. Quand il jouait au rugby, à Zurich, il y avait du monde, mais ici, c’est un autre niveau. Les tribunes sont pleines, il y a des commentateurs, des cheerleaders dès la middle school. C’est assez hallucinant ! Il aime l’ambiance et il dit qu’il n’aurait pas réussi à se faire des amis aussi vite s’il n’avait pas fait de sport. » Soutenir la passion de son fils est pour lui une évidence. « On ne le pousse pas, c’est lui qui nous tire !, témoigne Joachim. Pour moi qui n’ait pas eu cette chance, c’est un plaisir et pas du tout un sacrifice. On essaie de faire en sorte qu’il garde les pieds sur terre, et de trouver des options B s’il ne peut pas être professionnel, mais on l’encourage, car ici, c’est possible. »
S’il permet à certains jeunes de déployer très loin leurs talents, le sport à l’américaine, un système avec beaucoup de pression, peut aussi en décourager d’autres. Cela se joue parfois à la personnalité d’un coach. Toujours à Austin, Elise, 16 ans, a arrêté le cheerleading au bout de deux années intensives de pratique, dégoûtée par une coach trop stricte. Celle-ci lui avait reproché d’avoir raté un entraînement pour se rendre à un mariage en France. Anne, la mère d’Elise, était sa première supportrice. « Elise adorait faire ce sport et elle était très forte. J’aurais adoré qu’elle continue, mais je respecte son choix, je veux qu’elle soit bien », souligne-t-elle.
Grâce à de longues années de gym, Elise avait intégré, sur audition, l’équipe de cheerleading de son lycée, les « Warriors », dont elle était devenue capitaine. Car contrairement à l’image parfois renvoyée par les films, les cheerleaders ne se contentent pas d’agiter des pompons au bord du terrain. Ces véritables athlètes, qui réalisent des sauts, des portées et des figures très codifiées, s’exercent dur pour faire la fierté de leur école. Entraînements quotidiens, participation aux matchs les week-ends, cours de tumbling (gymnastique acrobatique) en-dehors de l’école… En tout, le cheerleading exige de 12h à 16h de gym par semaine.
« C’est très exigeant, reconnaît Anne, mais ça cadre les adolescentes à un âge où elles se cherchent », apprécie-t-elle. Cette maman s’était elle aussi lancée à fond dans l’aventure : « J’allais quasiment à tous les matchs. Je faisais partie du board et je m’occupais du fundraising, raconte cette sage-femme. Il fallait vendre des t-shirts et des casquettes, pour financer les compétitions. Bien sûr, cela demandait de l’implication et beaucoup d’organisation, mais j’aimais ça. » Sa fille, elle, a vécu son départ comme une « libération ».
Lorsqu’on atteint un tel niveau, le rythme des entraînements n’est pas toujours possible à tenir, en particulier pour des expatriés. « Beaucoup d’Américains s’investissent à fond, nous on l’a fait à moitié », confie Elise, maman de Laure, 20 ans, qui a fait six ans de volley, y compris à haut niveau en high school, à Austin, avant de lever le pied. « Nous avons fait le choix de rentrer tous les étés en France et donc de ne pas rester pour les camps de volley, explique sa mère, mais j’ai vu des parents y consacrer des étés entiers, entre cours particuliers et tournois à l’autre bout des États-Unis.»
Si ces années de volley ont été très exigeantes pour sa fille et pour elle (avec les fameuses corvées de buvette !), Elise ne regrette pas ce choix. Laure en garde « la rigueur du sport » et « l’esprit d’équipe ». Sa mère retient surtout l’aspect social de l’expérience : « En France, on ne voit jamais ça, à part dans les matchs professionnels, souligne-t-elle. J’ai découvert la grandeur et la force du sport aux États-Unis.»