Se voir confier les effets spéciaux des trois prochains volets d’Avatar pourrait donner la grosse tête. Mais c’est avec beaucoup de simplicité et de chaleur qu’Isaac Partouche, co-fondateurs de la start-up parisienne SolidAnim nous accueille dans ses nouveaux locaux d’El Segundo, à deux pas de l’aéroport international de Los Angeles.
“Nous avons ouvert le bureau de L.A il y a seulement quelques semaines. Nous sommes 3 actuellement : moi-même et deux personnes que je suis en train de former” explique le patron de cette PME qui compte une vingtaine de salariés à Paris. “Nous partageons l’espace avec une entreprise spécialisée dans les grues pour le cinéma” ajoute Isaac Partouche en nous faisant faire le tour du propriétaire.
Cette première implantation américaine, financée par une levée de fonds de 500 000 euros auprès de business angels français, devrait permettre à SolidAnim de rencontrer plus facilement ses clients, et développer sa présence sur le marché américain.
La réputation de SolidAnim à Hollywood est déjà bien ancrée. Outre la suite d’Avatar, sur laquelle SolidAnim devrait commencer à travailler prochainement, SolidAnim a collaboré à “The Walk”, le prochain film du réalisateur de “Forrest Gump” Robert Zemeckis (sur les écrans cette année), au second volet de “Alice au pays des Merveilles” et à l’adaptation du jeu vidéo “Warcraft”, qui sortiront tous deux en 2016.
C’est grâce à sa technologie, baptisée SolidTrack, qu’Isaac Partouche s’est fait connaitre. “Au départ, quand j’ai créé SolidAnim en 2007 avec mes associés Emmanuel Linoy et Jean-François Szlapka, notre spécialité était la motion capture” , raconte-t-il. Une technique permettant, grâce à des capteurs, d’enregistrer les mouvements d’un acteur et de les retranscrire sous forme d’animation sur ordinateur. Leur technologie a notamment été utilisée par les réalisateurs des films “Harry Potter” et “Hugo Cabret”.
Visualiser les effets spéciaux en temps réel
“Au bout de trois ans, nous avons voulu aller plus loin en inventant une technologie permettant de faire de la capture de mouvement en temps réel”, explique Isaac Partouche. L’équipe met alors en place une cellule de recherche et développement, qui accouche de SolidTrack. Ce système permet au réalisateur de visualiser directement les effets spéciaux, dans l’oeil de sa caméra, pendant le tournage.
“Auparavant, le réalisateur filmait ses sujets avec un fond vert ou bleu et il fallait ensuite faire un travail de superposition, mixant images réelles et de synthèse. On adaptait les décors en fonction de ce qui avait été tourné.” SolidTrack offre ainsi “une plus grande spontanéité” au réalisateur qui va “pouvoir suivre et cadrer ses personnages” avec davantage de confort et de flexibilité.
Aujourd’hui, le réalisateur peut repartir le soir même avec des images complètes. “Ce qui permet de réduire les coûts de post-production et de travailler beaucoup plus vite” explique Isaac Partouche.
Ces arguments ont séduit le réalisateur d’Avatar, James Cameron qui a prévu de faire appel à SolidAnim pour les prochains volets 2, 3 et 4 de son blockbuster. “Nous sommes les seuls à proposer cette technologie et avons été approchés par le producteur de Cameron, Jon Landau, qui a très vite été emballé. Plus tard, Cameron est venu tester le système. Il a vu défiler ses bonhommes bleus à l’écran et a posé tout un tas de questions techniques plutôt pointues, sur les algorithmes.”
Un savoir-faire français
Se décrivant volontiers comme un “artiste contrarié”, poussé par ses parents vers des études scientifiques, Isaac Partouche a trouvé sa voie au sein du cursus Art et technologie de l’image à l’université Paris-8. “Une excellente formation, qui a été précurseur dans les années 80, en offrant le premier cursus spécialisé dans les images de synthèse. La France possède un vrai savoir-faire dans ce domaine, ce que l’on sait peu”, juge-t-il. Ce cursus compte parmi ses anciens élèves, l’un des grands spécialistes français des effets spéciaux, Pierre Buffin qui a travaillé à Hollywood sur des films comme Batman, Matrix ou FightClub.
“En France, notre gros problème, c’est que nous avons un savoir-faire mais que nous ne savons pas le vendre. Si Méliès avait été Américain, ici, on lui aurait consacré depuis longtemps un parc d’attraction !”