“Je commence tout juste à réaliser“. Quelques jours après avoir remporté, dimanche 26 mai, la légendaire course automobile Indy500 (500 miles d’Indianapolis), le Français Simon Pagenaud, 35 ans, a du mal à revenir sur terre. En pleine tournée de promotion post-victoire, il n’a pas encore eu le temps de visionner sa course. “Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour moi“, avoue-t-il au téléphone, sur le chemin de l’aéroport pour Detroit.
S’il y a bien quelqu’un qui a vu toute la fameuse course de 500 miles (804 km), c’est un certain Donald Trump. Le président américain, qui était en déplacement au Japon au moment où le Français domptait le redoutable ovale d’Indianapolis, le lui a dit en personne au téléphone en le félicitant pour sa première place. Le jour même de la course, le chef de l’Etat avait écrit dans un tweet que “Simon” avait fait “la plus grande course de l’histoire du sport” et l’invitait, lui et son écurie Team Penske, à la Maison-Blanche.
Simon Pagenaud n’en revient toujours pas. “Quelles que soient nos opinions, avoir le président des Etats-Unis au téléphone, c’est juste exceptionnel“.
C’est la première fois depuis René Thomas en 1914 qu’un Français (non bi-national) remporte cette course mythique datant de 1911, épreuve-reine du championnat de monoplaces IndyCar Series, sortie division d’élite du monoplace en Amérique du Nord. Une belle consécration pour le gamin de Montmorillon, dans la région de Poitiers, qui rêvait de l’Indy500 depuis ses débuts dans le karting à l’âge de 6 ans. “Cela me paraissait être la plus grande course automobile au monde”.
Simon Pagenaud n’est pas issu d’une longue lignée de pilotes comme d’autres coureurs – ses parents évoluaient dans la grande distribution. Il s’est mis aux sports automobiles par admiration pour Ayrton Senna et Alain Prost, les deux titans de la Formule 1 qui se livraient à des duels sans merci. “Ils avaient tous les deux un grand panache, une grande passion. Les batailles roue contre roue, c’était une série télé !“, se souvient-il.
Il s’installe en Caroline du Nord en 2006 pour donner un nouveau départ à sa carrière. Il commence en évoluant en Formule Atlantic, un championnat de voitures de type monoplace, avec Team Australia, qui venait de voir le jour. En 2012, après plusieurs participations aux 24 heures du Mans, il rejoint le championnat d’IndyCar, avec l’écurie Sam Schmidt Motorsports fondée par le coureur tétraplégique Sam Schmidt. Il connait ses premiers succès et rejoint en 2015 Team Penske, considérée comme l’une des meilleures écuries sur le circuit. “Etre avec Penske m’a permis de me battre aux avant-postes. La voiture était constante. La confiance est montée. Je travaillais beaucoup pour m’améliorer. L’objectif: toujours faire mieux que la veille”, dit-il.
Le travail a finalement payé. Parti en pôle position cette année à Indianapolis, il a fait la course en tête pendant 116 des 200 tours que comptent la course et s’est imposé à l’arrachée face à l’Américain Alexander Rossi, vainqueur en 2016, au terme de 2 heures 50 minutes d’affrontement. En IndyCar, les voitures filent à 370 kilomètres/heure. A cette vitesse-là, les erreurs ne pardonnent pas. “On est toujours sur le fil, il faut contrôler ses émotions“.
Cette victoire, qui s’accompagne d’un chèque de 2,6 millions de dollars, Simon Pagenaud compte bien la fêter en France cet été. Treize ans après l’avoir quitté et fait sa vie à Charlotte avec sa fiancée américaine Hailey McDermott, son pays reste dans son coeur. De tous les articles qui ont relayé sa victoire à Indianapolis, le seul qu’il évoque est celui que lui a consacré le site spécialisé Auto Hebdo. “On ne peut pas renier ses racines. Je suis fier de la France. C’est un petit pays magnifique. Il a fallu attendre un siècle pour gagner à nouveau à Indianapolis, mais je suis fier de porter le drapeau français, dit-il. Maintenant que j’ai réalisé mon rêve de gagner les 500 miles, j’ai encore plus de motivation. J’ai gravi la montagne. Maintenant, j’en ai d’autres à franchir”.