« Ça nous a un peu surpris », admet Bruce Goldstein. Programmateur du Film Forum, le fameux cinéma indépendant de New York, l’Américain parle du succès de « La Piscine », le film français dont il assure aussi la distribution aux États-Unis via sa société Rialto Pictures. « Nous avons dépassé la barre des 200 000 dollars de recettes, ce qui est excellent pour un film aussi peu montré et un petit distributeur comme nous. Nous sommes ravis ! ».
Sorti en 1969, ce thriller torride de Jacques Deray raconte l’histoire de Jean-Paul (Alain Delon) et sa conjointe Marianne (Romy Schneider), dont les vacances dans une villa de rêve sous le soleil de Saint-Tropez sont interrompues par l’arrivée inattendue de l’ex-amant de Marianne, Harry (Maurice Ronet), et de sa fille de 18 ans, Pénélope (Jane Birkin). La drague et les jalousies fusent, jusqu’à ce que Jean-Paul tue Harry en le noyant dans la piscine. Une version restaurée de ce film cultissime était à l’affiche du Film Forum depuis le 14 mai. Programmé pour une durée initiale de deux semaines, elle a terminé sa course le 16 septembre après une vingtaine de semaines d’activité pour laisser la place à d’autres films. « Au début, nous avions deux projections par jour. Nous avons dû en augmenter le nombre à cinq. Tous les jours, nous avions au moins deux ou trois séances complètement vendues », explique Bruce Goldstein.
Que s’est-il passé ? Selon le distributeur, le film a bénéficié du fait que le New York Times l’a sélectionné comme l’un de ses Critic’s Pick, une recommandation synonyme de coup de pouce non-négligeable pour les films distingués. Le quotidien new-yorkais lui a consacré un nouvel article en août, en tête de sa rubrique Style cette fois, et l’a mentionné dans un reportage sur les inondations causées par la tempête Ida début septembre. En effet, le Film Forum a été inondé lors d’une séance de « La Piscine ».
Le Times of London en a parlé aussi, suivi de quelques médias français. « Ça a eu un effet boule-de-neige, raconte Bruce Goldstein. Ce succès chez les New-Yorkais s’explique aussi par le fait que nous avons tous été confinés. Nous ne pouvions pas voyager. Le fantasme du sexe au soleil nous parlait !, s’exclame-t-il. Et puis, Alain Delon et Romy Schneider sont très beaux ! ».
Pour cet amateur de cinéma, promoteur de pépites du 7ème art hexagonal aux États-Unis (comme « L’Armée des ombres » de Jean-Pierre Melville), « La Piscine » connaît ainsi une « première vie aux États-Unis ». Car sa première sortie américaine, en 1970, était passée inaperçue. « Le distributeur de l’époque a bâclé la promotion. On ne savait pas comment vendre des films étrangers aux Américains. De plus, Alain Delon et Romy Schneider n’étaient pas connus ici », poursuit Bruce Goldstein. Cinquante-et-un an plus tard, son succès new-yorkais lui permet d’être distribué dans tout le pays.