Tout commence avec l’idée de réunir des étudiants pour faire la fête, en 1938, au cours d’une compétition de natation à Fort Lauderdale, en Floride. Vingt années plus tard, dans les années 1960, les étudiants ont commencé à affluer en nombre. Les commerces locaux en ont profité pour proposer des offres spéciales, comme des bières à volonté à 1,50$, et on a rebaptisé la ville en « Ft. Liquordale »…
À mesure que la foule augmentait d’année en année, elle devenait également plus difficile à contrôler. En 1985, parmi les 370 000 étudiants qui se rendaient à Fort Lauderdale, 2 500 ont été arrêtés pour comportements « inappropriés », au point que les autorités ont interrompu les festivités. Il est même devenu interdit de boire sur les plages et les étudiants ont été informés qu’ils n’étaient plus les bienvenus. Las ! Ils sont partis ailleurs.
Aujourd’hui, les trois destinations les plus populaires sont Panama City en Floride (370 000 étudiants), South Padre Island au Texas (150 000), et Cancún au Mexique (100 000). Un spring breaker y dépensera environ 1 100 dollars par semaine, soit 1 milliard de dollars rien qu’au Texas et en Floride.
En 2006, un sondage de l’American Medical Association révélait que plus de la moitié des femmes considérait que se comporter de manière sloppy and promiscuous (comprenez : bourrée et libertine) était un moyen de s’intégrer plus facilement à la communauté. L’étude montrait également que les comportements à risques étaient pratique courante : sexe non protégé, partenaires multiples, agressions et blessures en contexte (très) alcoolisé…
Mais tout cela, c’était il y a vingt ans. Depuis #Metoo et la reconnaissance du consentement, les comportements ont-il évolué ? Eh bien, pas vraiment. Une autre enquête menée en 2024 a révélé qu’environ la moitié des répondantes (au féminin) étaient ivres toute la journée, et qu’environ 40% buvaient jusqu’à l’évanouissement. Une étude similaire menée auprès d’hommes a révélé des chiffres encore plus élevés. 57% des étudiantes ont indiqué que la promiscuité sexuelle pendant cette période était considérée comme une façon acceptable de s’intégrer. Bien loin de diminuer, les pourcentages ont même plutôt augmenté.
Non, la vraie nouveauté de ces dernières années, c’est l’omniprésence de la drogue : cocaïne, weed, ecstasy (appelée aussi « Molly » quand elle se consomme en poudre) – tout est dispo, tout circule, tout se consomme. Dans les chambres, dans les toilettes, sur les balcons. Évidemment, cette surconsommation mollement réprimée par les autorités (couvre-feu, parkings inaccessibles, checkpoints, brigades à cheval), a une incidence sur la sexualité des étudiants. Il est d’ailleurs possible de choisir sa destination en fonction de la réputation des étudiantes qui la fréquentent. Alabama ? Georgie ? Filles faciles. Missouri ? Moins, mais ça va. Évidemment, ces évaluations sont tenues à jour par des étudiants. Ajoutez qu’il est très facile d’obtenir de fausses ID qui permettent à des mineurs de participer aux activités et vous comprendrez l’angoisse de certains parents.
Quelques voix s’élèvent tout de même pour rappeler que tous les étudiants ne participent pas aux orgies. L’équipe du site Internet projectknow.com consacré à la lutte contre les dépendances a réalisé un sondage qui montre que plus d’un tiers des étudiants regrettent leur consommation d’alcool (mais ne sommes-nous pas tous les mêmes au lendemain de fêtes ?) et à peu près autant concernant les relations sexuelles. Sur le sujet d’ailleurs, le sondage montre que 49% des femmes n’ont eu aucune relation sexuelle (contre 27% des hommes) à cette période. Mais 11% ont eu entre deux et trois partenaires (26% chez les hommes).
Il est enfin intéressant de constater que la plupart des articles avertissant des risques pris par les étudiants pendant Spring Break datent de quelques années, comme si l’habitude avait été prise désormais. On préfère annoncer la venue de telle influenceuse pornographique. Probablement parce que l’évènement génère d’énormes revenus pour des pays comme le Mexique ou la République dominicaine, mais aussi aux États-Unis. Chaque année, le nombre et le prix des billets d’avion pour ces destinations augmentent. Les ventes de maillots de bain Victoria’s Secret ou de crèmes solaires connaissent des pics importants. Et les agences de voyages continuent de proposer des réductions à celles et ceux qui font venir leurs amis.
Le seul argument qui tendrait à limiter l’affluence de la jeunesse américaine sur les plages du Mexique ou de la Floride reste l’argent. D’après Bloomberg, le prix moyen du break de printemps serait de 8 306$. C’est 26% supérieur à l’année dernière et deux fois plus qu’en 2019. Pour une semaine passée à moitié inconscient la plupart du temps, c’est quand même assez cher payé.
Sources Online school; Newsweek; New York post