Pour inaugurer notre nouvelle rubrique, Sex in America, nous avons choisi de nous intéresser, en cette rentrée scolaire, à la sexualité de nos adolescents. Un genre de sujet qu’il est absolument impossible d’évoquer avec eux, bien entendu. Or, entre 15 et 19 ans, nos enfants, si on les considère comme de petits Américains, ont 70% de chances de connaître leur première expérience sexuelle. Quoi ? Si jeune ? Ma Salomé est encore tout bébé !
Eh bien… Plus tout à fait. Mais rassurez-vous, 30% seulement des 14/16 ans déclarent avoir eu une expérience sexuelle. Alors peut-être pas votre Salomé. Néanmoins, et sans chercher à entrer dans des détails que vous ne voulez certainement pas connaître, les sondages regroupent dans le tiroir « expériences sexuelles » à peu près toutes les pratiques, sans distinction. Mais qu’en est-il spécifiquement de Salomé ?
Aux États-Unis, l’âge moyen des premières rencontres amoureuses pour une fille est de 17 ans et trois mois. C’est plus tard en France d’après les sondages : 18 ans et 5 mois. Plus inquiétant, parmi les adolescentes américaines, 40% de celles « qui ont eu des relations sexuelles avant l’âge de 15 ans ont déclaré y avoir été forcées ». D’où l’importance de la prévention que la plupart des parents délèguent à l’école.
Et là, près de 60% des adolescents interrogés jugent les programmes inadaptés. Est-ce pour cela que, aujourd’hui encore, les États-Unis affichent « l’un des taux de fécondité des adolescentes parmi les plus élevés du monde développé » ? Presque trois fois plus qu’en France. Le fait qu’entre 1990 et 2010, les programmes, subventionnés par l’État fédéral, aient considéré l’abstinence comme meilleur moyen de contraception n’a pas aidé non plus. Et pourtant ! Des recherches ont montré que le financement d’une éducation sexuelle plus complète en milieu scolaire a entraîné une réduction de plus de 3% des taux de natalité chez les adolescentes.
Même si le nombre d’heures consacrées à la sexualité a augmenté à peu près partout dans le pays, des écarts existent entre les différents États. Évidemment, si vous nous lisez depuis la Californie, il est fort probable que votre grande Manon en sache plus que le petit Jordan habitant au Mississippi, où la pression morale et religieuse interdit tout autre discours que celui de l’abstinence. Récemment, la Virginie a modifié ses lois pour permettre aux parents d’interdire à leur adolescent d’assister aux cours d’éducation sexuelle – sans son consentement à lui, bien sûr. Quant à la Floride, elle a adopté en 2022 une loi appelée « Don’t Say Gay » interdisant de parler dans les programmes de l’orientation sexuelle et de l’identité de genre. Car, c’est bien connu, ce dont on ne parle pas n’existe pas. D’ailleurs, à propos de l’orientation sexuelle, 92% des démocrates ont déclaré qu’elle devrait être incluse dans les programmes, contre 75% des républicains.
Mais revenons à notre Salomé, très amoureuse de son ami. Ou de son amie ? 75% des adolescents se définissent comme hétérosexuels, 12% bisexuels (16% dans la ville de Portland), 3% homosexuels. 9% « other », qu’il faut comprendre comme « Ne sait pas », « Se questionne ». Quoiqu’il en soit, il est fort probable que cette première expérience soit aussi une relation monogame. Seuls 6% des interrogés ont eu plusieurs partenaires avant 19 ans. Vous voilà rassuré. Quoi de plus beau que des enfants qui s’aiment, non ?
Il ne faudrait cependant pas que votre Salomé tombe enceinte. Seul un adolescent sur deux utilise un préservatif, le chiffre est même en baisse et 37% des jeunes filles prennent des contraceptifs hormonaux. Mais en 2021, le taux de natalité chez les adolescentes âgées de 15 à 19 ans est tombé à 14 naissances pour mille femmes, ce qui reste un chiffre élevé comparé aux moyennes européennes.
Quoiqu’il en soit, depuis novembre 2023, la majorité des États interdit l’avortement ou l’autorise mais sous conditions spécifiques. La Floride par exemple, ou le Texas, proscrivent une interruption de grossesse après la détection d’un battement de cœur fœtal, ce qui peut se produire dès 6 semaines de grossesse…
Pour conclure, il semblerait que l’école américaine prépare moins bien nos enfants à la sexualité que l’école française, surtout si vous nous lisez depuis la Floride ou le Texas. Il va donc falloir prendre votre courage à deux mains et frapper à la porte de la chambre de votre garçon ou de votre fille en lui proposant mieux que « Est-ce que tu as deux minutes pour que l’on parle des abeilles ? »