Le parfum a la cote aux États-Unis. Ce plaisir resté longtemps très européen gagne de plus en plus d’adeptes outre-Atlantique, chez les femmes mais aussi chez les hommes, qui représentent un tiers du marché. Mais le parfum reste un produit de luxe, difficile d’accès pour des audiences jeunes et désargentées.
C’est le constat de Sergio Tache, qui lance Dossier en 2018, avec pour mission d’offrir des parfums de qualité à des prix raisonnables. Avant de créer cette entreprise, l’entrepreneur, né en Roumanie dans une famille de musiciens classiques et naturalisé belge, a fait ses armes dans la banque en Belgique. Il poursuit dans le secteur bancaire aux États-Unis après un MBA à Wharton, mais bifurque vers l’entreprenariat sur un coup de tête.
Avec Morgan Hermand, le fondateur de l’entreprise de lingerie Adore Me, il monte une première entreprise. Dans l’extension de cheveux, Irresistible Me. « Vous imaginez la tête de mes parents ! », rigole-t-il. L’entreprise débute dans la douleur : « Nous avons démarré avec 15 000$ sur notre compte, et les débuts ont été très durs. Mais nous avons créé quelque chose à partir de rien, et au bout de quelques années, nous faisions plusieurs millions de dollars de chiffre d’affaires par an. »
Moins de deux ans plus tard, Sergio Tache décide de repartir en solo, et revend ses parts à Morgan Hermand (l’entreprise existe toujours) pour se lancer dans les soins de beauté, sur ses fonds propres. Mais l’aventure n’est pas concluante, et il décide assez vite d’y mettre fin. Sur ce, il rencontre l’entrepreneur à succès (et grand promoteur de la droite ultra conservatrice), Pierre-Édouard Stérin. Ensemble, ils décident de disrupter l’industrie du parfum. Dossier est né.
« L’industrie du parfum est une industrie poussiéreuse avec des marges très élevées, explique-t-il. Nous avons pris tous les éléments des maisons de luxe (qualité des ingrédients, longévité du parfum…), mais nous avons enlevé tout le superflu : bouteilles sophistiquées, packaging, coûts de marketing astronomiques, promotions par des célébrités…» Le résultat : une première collection, Impressions, lancée en 2019 et ouvertement « inspirée » par des parfums de luxe connus de tous.
Ainsi, Woody Oakmoss s’inspire de Coco Mademoiselle de Chanel, tandis qu’Aromatic Star Anise s’inspire de Sauvage de Dior. Les parfums de niche ne sont pas épargnés, et la collection fait la part belle aux parfums aux airs des bestsellers de Tom Ford, Byredo et autres Le Labo. Impossible en effet pour les marques de mettre un trademark sur leurs odeurs. Dossier saura en profiter et la collection, pourtant vendue exclusivement en ligne au départ, sera un succès.
En 2022, l’entreprise est contactée par Walmart qui souhaite distribuer ses parfums. La marque de Sergio Tache accroît dès lors sa présence physique, avec notamment une « pop-up store » à New York en 2024 qui crée le buzz : « Il y avait une queue de deux heures pour entrer dans la boutique », se souvient l’entrepreneur. Dossier ouvre cette année deux boutiques à New York, dans le quartier de Nolita et à l’intérieur d’un centre commercial dans Queens. Cette présence physique est d’autant plus indispensable que l’enseigne a depuis créé une nouvelle collection de parfums originaux « que nos clients et clientes ont besoin de voir et de sentir ».
Il faudra trois ans à l’entreprise pour devenir profitable. Ses 100 employés se partagent aujourd’hui entre les États-Unis et la Roumanie. Les parfums, quant à eux, sont créés par des sous-traitants de la ville de Grasse, Mecque française des fragrances, « avec les meilleurs ingrédients possibles ».
Des États-Unis, Dossier s’est progressivement étendu au Mexique, Canada, Australie, Royaume-Uni, et vient de se lancer en Europe continentale et au Brésil. Dans chaque pays, Sergio Tache applique son motto : se concentrer sur l’essentiel. « Je suis obsessionnel sur mes marges, souligne-t-il. Notre marge unitaire (revenu moins coûts de production, logistique et acquisition client), doit couvrir tous les coûts fixes. Quand on applique ce principe à la lettre, cela rend les décisions plus simples. » L’entrepreneur garde de sa première carrière de banquier une aversion pour les entreprises qui ne dégagent pas d’argent : « Pour moi, si une entreprise ne produit pas d’argent, ce n’est pas un business, c’est un hobby ! »
Toute sa méthode de management est à l’avenant : « Pour l’e-commerce, nous appliquons des formules très simples. Le revenu sera fonction du nombre de visites sur le site, du taux de conversion, du panier moyen et du taux de retour de nos clients. Tout ce que nous faisons doit contribuer à améliorer l’un de ces leviers, sinon c’est une perte de temps et d’argent. » Des recettes simples et logiques, mais appliquées avec une grande rigueur, et qui ont fait le succès de Dossier.
Boutique Dossier à New York : 242 Elizabeth Street