Ils se sont levés à 6h du matin et pourtant, sur scène, leur fatigue ne transparait pas. Juste avant la pause-déjeuner, en ce mardi d’avril, une dizaine d’élèves issus du programme de français French Heritage Language Program (FHLP) répètent les premières scènes d'”Amidou et Toya”, sous l’œil vigilant de leur enseignant, le saxophoniste Yacine Boularès.
Pendant trois jours, lors de leur « spring break », ils avaient rendez-vous à l’International House de Columbia pour peaufiner les chorégraphies, les chants, les dialogues de cette comédie musicale qu’ils présenteront le 15 mai devant leur école, l’International High School At Prospect Heights, et lors du concert caritatif du FHLP, “Color my French” le 31 mai au Lycée français de New York.
Cela fait des mois que ces ados francophones travaillent sur le projet dans le cadre de leur after-school. Certains ont profité du « spring break » pour mettre un coup d’accélérateur. Les répétitions sont intenses. Elles durent six heures par jour, sans compter le trajet depuis Flatbush, où se trouve leur école. L’après-midi, ils sont rejoints par le groupe de M. Boularès, Ajoyo, qui les accompagne « live ».
“Amidou et Toya”, c’est l’histoire d’une jeune fille – Toya – qui arrive à New York en provenance d’Haïti et tombe amoureuse d’un jeune africain – Amidou. Les deux adolescents vont vivre leur amour malgré les rivalités ethniques et les jalousies.
L’histoire parle à ces jeunes venus d’Haïti, de Côte d’Ivoire, de Guinée Conakry, du Sénégal… Eux aussi ont vécu le déracinement, le choc culturel et les préjugés décrits dans le scenario composé par Yacine Boularès et le coordinateur du programme Benoît Le Devedec. “Au-delà du racisme, la comédie-musicale parle d’humanisme. Elle nous encourage à interroger nos instincts les plus primaires, de les faire murir pour grandir en tant qu’êtres humains.”
“Nous voulions donner une voix à ce nouveau visage de la francophonie“, ajoute Benoît Le Devedec. Ce dernier a mis en place en avril une plateforme de crowd funding pour financer la production de la comédie-musicale. Il espère récolter au moins 18.500 dollars pour financer les répétitions et les deux concerts. Avec un éventuel surplus, il espère ouvrir de nouvelles classes et soutenir les activités du programme, comme son camp d’été.
Pour nos stars de Broadway en herbe, qui n’ont pour la plupart aucune expérience scénique, la comédie musicale est déjà une aventure. Yakhya n’a même pas dit à ses parents qu’il allait chanter. “Ma famille va me voir chanter pour la première fois“.
“C’est excitant, ça fait peur. C’est la première fois que je chante devant plusieurs personnes“, glisse Claidjena, qui joue le rôle de Toya.
“La comédie musicale parle des choses qui me sont arrivées. La seule différence est que le personnage principal tombe amoureux, et moi ça ne m’est toujours pas arrivé!“, soupire la jeune Marline, faisant rire ses camarades.
Lors de la soirée du FHLP le 31 mai au Lycée français, ils se produiront avec le saxophoniste Jacques Schwartz-Bart et la chanteuse haïtienne Emeline Michelle, invités d’honneur de l’évènement. Et demain? Un CD, voire une tournée sont envisagés en fonction des fonds. “Certains, assure Yacine Boularès, s’ils travaillent, peuvent atteindre un niveau professionnel“.