Quand on est victime d’un conjoint violent, oser demander de l’aide n’a rien d’évident. Alors si on vit à l’étranger, la démarche peut paraître encore plus compliquée. À qui s’adresser ? Depuis octobre 2022, les Françaises expatriées victimes de violences familiales, où qu’elles soient dans le monde, peuvent composer gratuitement le numéro de la plateforme Save You et trouver le secours dont elles ont besoin. À l’autre bout du fil, des personnes formées à l’écoute leur répondent 24h/24, 7 jours/7, et les accompagnent dans toutes leurs démarches, y compris en urgence.
« À partir du moment où les personnes nous contactent, nous les prenons en charge, explique Priscillia Routier Trillard, fondatrice et directrice générale de The Sorority Foundation, l’association française à l’origine du projet. Nous leur demandons de nous expliquer leur situation. Veulent-elles quitter le pays ? Ont-elles des enfants ? Ont-elles besoin d’un passeport ou d’un visa ? Selon leurs besoins, nous les orientons vers des professionnels, en France ou dans leur pays : avocat, psychologue, consulat… Nous ne pouvons pas débloquer toutes les situations, mais notre but est de faire en sorte qu’elles ne soient pas seules », insiste la jeune femme, qui a elle-même été victime de violences par le passé et a vécu une expatriation à Dubaï.
Depuis son lancement il y a quatre mois, Save You a déjà aidé 102 personnes à travers le monde (des hommes aussi peuvent être concernés), dont 36 sont encore en cours d’accompagnement. Parmi elles, 42% ont rapporté des violences psychologiques, 20% des violences physiques, 15% des violences économiques, 13% des violences administratives, 8% des maltraitances sur les enfants et 2% des violences sexuelles. « C’est encore un sujet très tabou et selon les régions du monde, il est plus ou moins facile d’en parler, mais nous constatons que les mentalités évoluent, la parole se libère », se réjouit Priscillia Routier Trillard.
Les femmes, qui ont plus souvent que les hommes le statut de « conjoint suiveur » à l’étranger, se trouvent de fait plus vulnérables. « Tout est exacerbé en expatriation, confirme Sandrine Calhoun, référente de Save You pour la Californie. L’agresseur utilise les mêmes schémas : il cherche à isoler la personne, or on l’est davantage à l’étranger. Il est aussi plus difficile de trouver quelqu’un à qui se confier dans le petit milieu des expatriés. Et en cas de séparation, des questions très lourdes se posent concernant la situation financière, les visas ou les enfants… », explique cette juriste spécialiste de l’aide aux victimes. D’où l’importance de trouver un soutien bienveillant au sein d’un réseau comme Save You.
Il s’agit du deuxième projet d’envergure de The Sorority Foundation. L’association s’est fait connaître en lançant il y a trois ans une application mobile d’entraide et de protection entre femmes*. Cette communauté rassemble aujourd’hui plus de 51 000 utilisatrices en France et dans le monde, « au profil vérifié », insiste Priscillia Routier Trillard, très soucieuse de la protection des données en tant qu’ancienne responsable RGPD.
L’idée de Save You est née l’été dernier de sa rencontre avec Laura Roche, de l’Alliance Solidaire des Français de l’Etranger et Isabelle Tiné. Cette ancienne expatriée française a libéré la parole autour des violences conjugales à l’étranger grâce à son groupe Facebook Expats nanas : séparées, divorcées. The Sorority Foundation a aussi pu compter sur l’appui du gouvernement dans ce projet. Beaucoup d’ambassades et de consulats ont relayé l’ouverture de la plateforme Save You. Celle-ci vient combler un manque : jusqu’à présent, aucune structure ne jouait ce rôle au niveau national.
*THE SORORITY, disponible sur les stores iOs et Android partout dans le monde.
Save You est accessible gratuitement partout dans le monde, par téléphone au +33 1 88 61 51 51; sur Whatsapp au +33 7 45 13 04 44 ou par email.