Dans un article daté du 10 décembre, Steven Erlanger, le correspondant du New York Times à Paris, revient sur les propos controversés de Bernard Kouchner sur les inévitables interférences entre Droits de l’Homme d’un coté, et politique étrangère française de l’autre. Il souligne que le ministre français est un habitué des provocations, une des dernières en date ayant été de rejoindre le gouvernement Sarkozy, au mépris de son identité socialiste. Ce dernier est décrit comme un homme de “fierté” et de “franchise”, s’étant fait une spécialité de surfer sur la politique de l’émotion et les polémiques.
Le Washington Post, de son coté, rappelle que M. Kouchner n’a jamais eu d’autres prétentions que d’affirmer une opinion personnelle, bien que celle-ci tombe pile le jour du 60ème anniversaire de la déclaration universelle des Droits de l’Homme à l’ONU, note le journaliste sarcastiquement. Plus neutre que son confère du New York Times, celui-ci rappelle le parcours du ministre des affaires étrangères, auréolé de son passé d’activiste des Droits de l’Homme avec Médecins Sans Frontières, et le met en perspective avec les positions périlleuses, à la limite de la gaffe diplomatique, de Rama Yade sur certains sujets comme la venue de Mohammed Kahdafi à Paris, et la rencontre avec le Dalaï-Lama. Pour conclure, Steven Erlanger du New York Times se demande si Kouchner ne s’est pas converti avec l’âge au “libéralo-pragmatisme” de Sarkozy. Toujours est-il que l’on retrouve dans les deux articles une subtilité linguistique intéressante: “l’angélisme” dont parle le ministre français est traduit par “utopianism“, épargnant ainsi à Rama Yade de passer dans la presse anglophone pour une jeune fille en fleur pleine de bons sentiments.
Newsweek nous gratifie cette semaine d’un éditorial réjouissant sur Nicolas Sarkozy, long de trois pages, qui méritent chacune d’être étudiée en détails. Si le président français est le premier visé, ni l’opposition et la santé politique du pays ne sont épargnées également. Dès les premières lignes, les deux auteurs, Christopher Dickey et Tracy McNicoll, se moquent du ton lyrique et apocalyptique employé ces derniers temps par Sarkozy pour parler de la situation économique mondiale, se plaçant de facto dans la position héroïque du grand “sauveur de l’humanité”. Mais ils ne peuvent eux aussi s’empêcher eux de céder à cette manie des grands mots, puisqu’au long de l’article, le président et ses manières sont successivement qualifiés de: “rhetorical excess” (débordements rhétotiques), “egregious egotism” (narcissisme flagrant), “unabashed and unapologetic” (obstiné et convaincu), ou encore “Sarkozy Unbound” (Sarkozy Sans Limites). Cette attitude adoptée par Nicolas Sarkozy, volontaire, hyper-active et ego-centrée, est-elle “for better or for worse”, pour le meilleur ou pour le pire?
D’une part, il y a certes des mérites à mettre à l’actif de ce dernier, répondent les journalistes: le dénouement de la crise géorgienne cet été, la gestion du marasme financier, et sa forte popularité à l’échelle européenne. Mais, comme ils ajoutent immédiatement après, tout cela n’est que poudre aux yeux. Sarkozy pratique l’art de la “pirouette“: donner l’impression d’être toujours en action en multipliant les gesticulations, et piquer à droite (i-e à Jean-Marie Le Pen) et à gauche (i-e au parti socialiste) ses idées, en bon “opportuniste et manipulateur” qu’il est.
D’autre part, des failles apparaissent. Les autres leaders européens ne cachent plus leur exaspération, et la situation pourrait ne pas tarder à empirer, pour cause de despotisme avancé. Selon les éditorialistes, le président “règne” en France, comme l’ont fait avant lui Louis XIV ou Napoléon. Le parlement n’a plus de pouvoir, l’opposition est disloquée, il ne tolère aucune critique (cf la polémique autour de sa poupée vaudou), il essaie de “manipuler” la presse grand public et “contrôler” les médias, et les Français, tels les victimes d’un grand lavage de cerveau national, lui laissent le champs libre. A la fin de l’article, ils demandent si l’Histoire retiendra Nicolas Sarkozy comme “A man of destiny” (un homme de destin) ou “A man of obstinacy and arrogance” (un homme d’obstination et d’arrogance). Apparemment, eux ont déjà fait leur choix.
Un article de Bloomberg du 11 décembre explore précisément les contentieux crées par le président français au sein de l’Union Européenne. Il affirme catégoriquement: “Sarkozy finit six mois de présidence de l’Europe comme il les a commencé: en choisissant le conflit avec l’Allemagne“. Il y a six mois, l’objet des disputes était l’Union sur la Méditerranée, c’est aujourd’hui le plan de relance économique. Ce dernier a semé le trouble parmi les vingt-sept en ouvertement, et délibérément, favorisant son amitié avec la Grande-Bretagne de Gordon Brown, au détriment de la chancelière allemande. Le journaliste note que c’est la première fois depuis la seconde guerre mondiale qu’un président français fait une entorse aussi évidente aux principes de réconciliation. Il parle de “French flattery” (flatterie à la française) à l’égard du premier ministre anglais. Et il s’étonne que les hautes autorités françaises semblent avoir occulté l’opportunisme historique des britanniques vis-vis de l’Europe. Il n’est plus à démontrer que les sujets de sa majesté sont intrinsèquement euro-sceptiques, et Sarkozy risquent fort de regretter d’avoir parier sur un cheval aussi boiteux, alors que la longue amitié franco-allemande est une valeur sûre.
Après la politique, l’écologie française soulève des interrogations chez nos pairs américains. Le Wall Street Journal pose ainsi la question: “Les États-Unis doivent-elles suivre le modèle français d’énergie nucléaire?“. Avec la mise en place de la nouvelle administration Obama, la polémique est relancée sur le nucléaire américain. Durant la campagne, la candidat démocrate avait montré de fortes réticences à la multiplication des centrales. Mais des voix s’élèvent en expliquant que les États-Unis sont aujourd’hui trente ans derrière la France, dont 80% de l’électricité provient du nucléaire. Selon ces mêmes voix, le nucléaire est une énergie propre qui permettrait d’améliorer l’emprunte écologique de l’Amérique du Nord. Faux, rétorquent ses opposants, pour qui la Normandie est devenue une déchetterie nucléaire à ciel ouvert, et qui rappellent que la France rejette chaque année plus de cent millions de barils de d’uranium appauvri dans l’océan Atlantique. Que la commission pour l’environnement à Washington se rassure, le débat n’est pas encore tranché en France non plus.
Pour finir cette revue de presse, une bonne nouvelle pour le cinéma américain: le parlement français est sur le point d’adopter une réduction fiscale pour les films étrangers tournés sur notre cher territoire. Selon le Washington Post, le récent succès du Da Vinci Code en terme d’afflux touristique pour la ville de Paris a donné de bonnes idées aux députés, fatigués du dumping cinématographique pour les pays d’Europe de l’Est, l’Allemagne ou la Grande-Bretagne, quand bien même l’histoire se déroule en France! Comme c’est souvent le cas dans la presse anglo-saxonne, la France est présentée comme un pays accablé par les impôts, à la fiscalité rigide et handicapante pour sa croissance économique. Le journaliste rappelle à cet effet que l’installation pour quelques mois d’une équipe de tournage est une source sans précédent de revenus et d’emplois pour l’heureuse localité choisie. Au passage, la “mauvaise” habitude française de systématiquement privilégier le cinéma national au nom de l’exception culturelle n’est pas non plus épargnée.