Pour sa cinquième édition, le Salon du bilinguisme a fait carton plein. Plus de 600 participants sont venus à Fordham University Law School, samedi 3 novembre, pour assister à ce grand rendez-vous du multilinguisme organisé par French Morning. Il a été inauguré par le député des Français d’Amérique du Nord Roland Lescure, qui a loué l’action des “soldats du bilinguisme” en faveur des langues, et la consule générale de France Anne-Claire Legendre.
Ce succès rappelle que l’éducation bilingue a le vent en poupe à New York, une ville où des programmes bilingues ont fleuri ces dernières années dans les écoles publiques, parfois sous l’impulsion de parents. Le Département de l’Education new-yorkais a annoncé en mai la création de trente-deux filières bilingues, où le temps d’enseignement se divise entre l’anglais et une autre langue.
Cette année, le Salon du bilinguisme a rassemblé une cinquantaine d’exposants – écoles publiques et privées, éditeurs, services – mais aussi différents experts venus encourager la pratique des langues et conseiller des parents parfois peu au courant des bienfaits du bilinguisme.
Traditionnellement, la maitrise de plusieurs langues est associé aux avantages professionnels. Mais un corps grandissant d’études scientifiques pointe aussi vers les bienfaits académiques et cognitifs du multilinguisme (meilleure résistance à Alzheimer, plus grande capacité à “filtrer” les informations…) chez les jeunes et les moins jeunes.
“Le bilinguisme est dans l’air du temps“, assure Kathleen Stein-Smith, auteure du The US Foreign Language Deficit, qui animait une conférence sur le bilinguisme à la maison, sponsorisée par le Lycée français de New York.
Elle rappelle que 60 millions de personnes aux Etats-Unis parlent une langue autre que l’anglais chez eux et que beaucoup d’autres ont une langue étrangère en héritage. “L’identité des Etats-Unis n’est pas aussi anglophone qu’on le pense. Les Premières Nations amérindiennes ne parlaient pas anglais. Tout le sud-ouest faisait partie du Mexique et a donc parlé espagnol pendant longtemps. De même, quand on va en Nouvelle-Angleterre, on entend l’accent québécois et l’allemand est une langue d’héritage dans de grandes parties du pays…“, énumère-t-elle.
“On est en train de franchir une frontière. Le bilinguisme est en train de devenir la norme plutôt que l’exception“, ajoute Ana Ansaldo, spécialiste de science de la communication à l’Université de Montréal.
La chercheuse s’exprimait dans le cadre d’une conférence très attendue sur les bienfaits du bilinguisme sur le cerveau bilingue. Pendant son intervention, elle a rappelé par exemple que la pratique de plusieurs langues augmentait la quantité de matière grise dans le cerveau, lieu du stockage des informations qui tend à se réduire avec l’âge. “Cela peut allonger la qualité de vie chez un individu”, observe-t-elle.
Voir la conférence dans son intégralité (animée par Fabrice Jaumont, attaché éducation aux Services culturels de l’Ambassade de France):
Dans la salle, des parents qui avaient à coeur de partager leurs joies et leurs peines: une mère argentine qui explique avoir dû “aller contre le système” scolaire pour que le bilinguisme de ses enfants ne soit pas stigmatisé par les enseignants; des parents qui parlent cinq langues à eux deux et se demandent comment faire pour que leur fils en parle autant; une Américaine qui explique que sa maitrise de l’espagnol l’a aidée à combattre sa dyslexie…
« Ma fille de 5 ans a très vite appris l’anglais, la difficulté va être de maintenir le français à la maison car elle commence à me parler plus anglais que français », s’exclame un père de famille rencontré sur place. « On parle trois langues à la maison (anglais, français, pendjabi) et c’est une chance pour notre enfant d’avoir cette facilité à switcher, c’est un réel avantage, raconte un autre. On a envie de maintenir cette éducation multiculturelle ».
“Comme il faut résoudre des questions de changement climatique, d’environnement et de durabilité en travaillant ensemble, le multilinguisme est une compétence mondiale essentielle. Mais le plus important, c’est que les parents se rendent compte de l’importance des langues pour leurs enfants, explique Kathleen Stein-Smith. Si les parents, les communautés, les enseignants, et tous ceux qui croient à l’importance des langues travaillent ensemble, les Américains deviendront bilingues”.
Photos (crédit: Garance Saint-Martin)
Avec Laure Foulquier et Maxime Aubin
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