Campée sur ses talons aiguille, Georgette Farkas, 47 ans, jette un coup d’oeil critique à la pièce maîtresse de sa cuisine: une machine que l’on pourrait qualifier de Rolls Royce des rôtissoires. “J’aurais du la prendre couleur acier“, dit-elle, pensive, “elle ne va pas avec le reste.“
Ni cuisiniste ni architecte d’intérieur, Farkas a passé ces dernières 17 années à distiller la communication de Daniel Boulud. Le 11 novembre, elle s’est jetée à l’eau (ou plutôt au jus) et a ouvert Rôtisserie Georgette, un bistrot français de 90 couverts qui fera la part belle aux pièces rôties.
Qui aurait pu deviner que derrière cette fine attachée de presse, née à Manhattan mais qui, petite, passait l’été près d’Antibes, cachait en fait, une entrepreneuse acharnée ? «Dans ma famille, on est terriblement indépendants, explique-t-elle. C’était le moment de réaliser mon rêve. Après Harvard, j’avais fait l’Ecole Hôtelière de Lausanne pour ouvrir mon propre établissement et puis, je me suis laissé distraire par la vie.» Des stages la conduiront entre autres dans les cuisines de Roger Vergé à Mougins et celles du Louis XV à Monaco, chez un certain Ducasse. Et c’est au Crillon qu’elle fera ses armes de manager.
Alors il y a quelques mois, armée d’un plan financier en béton, elle choisit : un immeuble classé entre Madison et la Cinquième, David Malbequi, un chef Parisien qui a fait ses classes chez Guérard, Tourondel et Boulud, et…une poule de luxe! Blotti bien au chaud dans sa Rolls Royce de rôtissoire, on trouvera en effet un poulet BCBG élevé aux pelures de légumes des plus grands restaurants de la ville (une initiative d’Ariane Daguin, propriétaire de D’Artagnan). Une « culotte » d’agneau aux senteurs méditérranéennes, un poisson du jour et une entrecôte digne d’Obélix seront aussi au menu. En entrée, laissons nous tenter par une terrine de foie gras accompagnée d’une gelée de Tokay, clin d’œil aux ancêtres hongrois de la propriétaire, un consommé de volaille truffé ou encore la salade Francine, du nom de Maman Farkas.
C’est justement cette dernière qui avait eu le coup de foudre, il y a 45 ans au Portugal, pour une série de carreaux de faïences vernis bleus et blancs du style azulejos. Ils dormaient dans un entrepôt campagnard, attendant leur heure de gloire. Aujourd’hui, ces mêmes faïences ornent le décor “shabby chic” du restaurant que Farkas qualifie de « Louis XV en cuisine. » Elle a chiné son buffet à l’Isle-sur-la-Sorgue, fait faire le parquet style Versailles dans le Bronx et trouvé un artisan encadreur pour ses miroirs anciens.
Une carte des vins créée par le sommelier Jean-Luc Le Du proposera une douzaine de vins au verre et des prix plutôt doux. Enfin, côté douceur, c’est une belle concoction franco-américaine : un crumble poire, cranberries et noix de pecan, une tarte Tatin et sa crème fraîche servie « dans un pot d’étain, à la louche». Farkas mime le jeu de la cuillère, venue creuser le fond du pot. « Miam » ajoute-t-elle en riant, la gourmandise incarnée.
Crédit: Courtney Winston