L’écrivain Romain Gary aurait eu 100 ans le 8 mai. Décédé à 66 ans d’une balle qu’il se tira en plein tête, ce personnage hors-norme, grand aviateur et résistant, romancier, diplomate et réalisateur, aura vécu plus de cent vies. Dont quelques-unes aux Etats-Unis, où il fut notamment Consul de France à Los Angeles de 1956 à 1960 et y rencontra l’un de ses grands amours, la comédienne Jean Seberg.
«Gary est devenu un écrivain célèbre aux Etats-Unis, bien avant de mettre les pieds en Amérique, grâce à la traduction de son troisième roman, « Le Grand Vestiaire » (paru sous le titre « The Company of Men » en 1951)» explique David Bellos, professeur de littérature française à Princeton, auteur de la biographie «Romain Gary. A Tall Story», parue en 2010.
Invité spécial de l’événement organisé le 15 mai par le consulat de France à Los Angeles, autour du centenaire de la naissance de Gary, David Bellos souligne la très grande popularité de l’écrivain aux Etats-Unis. « Ses livres sont très vite devenus des best-sellers en anglais, grâce à des traductions, des auto-traductions (comme pour la Promesse de l’Aube) et des livres écrits en langue anglaise originale (Lady L, The Ski Bum). Gary a aussi marqué les débats sur le racisme aux Etats-Unis avec la publication du livre Chien Blanc (1970)».
A l’époque il est « bien plus aimé et salué par le public américain que par le lectorat français. Même si l’aventure « Ajar » (ndlr : le pseudonyme qu’il se choisit pour « La vie devant soi », en 1975 et qui lui valut d’obtenir un deuxième Goncourt après « Les racines du ciel », en 1956), était inacceptable pour les éditeurs américains, très sensibles aux questions d’authenticité, qui cesseront de le publier. Aujourd’hui très peu de livres sont disponibles en anglais. Il est temps que cela change !» estime Bellos.
Immigré d’Europe de l’Est, arrivé à Nice à l’âge de 14 ans, le français n’est pas la langue maternelle de Gary. Certains critiques littéraires se feront d’ailleurs un plaisir d’attaquer sa maîtrise de la langue de Molière, alors même qu’il vient de gagner le Goncourt en 1956. « Ces attaques ont eu un effet considérable sur lui: il a arrêté d’écrire de la fiction en français ! Pendant les 10 années suivantes, il n’en a écrit qu’en anglais. Il est revenu à la fiction en français au milieu des années 60, après être rentré à Paris de Los Angeles, avec Jean Seberg. Il s’est alors mis à inventer un nouveau français très peu français, hybride et décousu, sous le nom d’Emile Ajar. C’est un exemple incroyable d’adaptabilité et de réinvention linguistique ».
Consul, il se reposait sur les autres pour écrire
Lors de son séjour en tant que consul à Los Angeles, Romain Gary ne cessera jamais d’écrire. «Gary écrivait très vite. Il déléguait aussi nombre de ses tâches consulaires aux autres. La bureaucratie ne l’intéressait pas et il se reposait énormément sur sa secrétaire Odette de Benedictis » explique David Bellos.
A Hollywood, en plus de tomber amoureux de sa future femme Jean Seberg, Gary côtoie les plus grandes stars de l’époque, lors de soirées chez Fred Astaire, Frank Sinatra, Gary Cooper ou encore Katharine Hepburn.
Il croise le chemin de Marilyn Monroe et tentera même de provoquer en duel Clint Eastwood pour avoir couché avec Seberg ! Pour comprendre son rapport à Hollywood, « il faut lire Chien Blanc » conseille le biographe. « C’est l’un des portraits les plus drôles et les plus acides jamais écrit sur le star system. A L.A, il interagissait beaucoup avec le monde du cinéma : en partie parce qu’il y avait alors de nombreux réalisateurs, acteurs et techniciens français qui travaillait à Hollywood dans les années 50, mais aussi parce que nombre de personnages importants du cinéma étaient, comme Gary, d’origine d’Europe de l’Est, et parlaient le russe ou le Yiddish», ses langues maternelles.