Il y a un peu plus d’un siècle, en novembre 1917, Auguste Rodin, père de la sculpture moderne, tirait sa révérence.
En salles jusqu’au 14 juin au Quad Cinema, “Rodin” de Jacques Doillon lui rend hommage. En lice pour la Palme d’or au Festival de Cannes de l’an dernier, le film se penche sur la rencontre du célèbre sculpteur (Vincent Lindon) avec Camille Claudel (fougueuse Izïa Higelin), son élève la plus douée qui devient vite son assistante, puis sa maîtresse. Alors que Bruno Nuytten peignait cette liaison tumultueuse du point de vue de la jeune sculptrice dans “Camille Claudel” (1988), Jacques Doillon, comme en miroir, se centre sur Rodin. Le cinéaste explore même son travail après leur rupture.
Fidèle à son goût de l’intime et du réalisme, le réalisateur peint cette passion tumultueuse sans pathos ni parti pris. Autre « marque de fabrique » à la Doillon, des dialogues foisonnants s’engagent entre le maître et son élève sur leur travail mais aussi sur leur relation instable – le sculpteur refusant de se séparer de sa compagne officielle. Mais les plus beaux moments restent ceux qui se passent de mots. Comme lorsque Rodin prend la main d’une sculpture de Camille Claudel, geste de tendresse après leur séparation. Le sentiment s’inscrit dans la matière.
C’est là que Jacques Doillon s’affirme. Plonger dans la matière, les techniques de l’artiste : le réalisateur filme avec justesse et précision son Rodin à l’oeuvre. Et on le voit tour à tour modeler la terre ou la creuser au couteau jusqu’à capter « la lutte entre la forme et la lumière ». En témoigne cette scène où il guide son modèle avant d’ajouter un peu d’argile pour faire surgir l’expressivité d’un buste.
« Je ne cherche pas à plaire, je cherche le vrai » clame d’ailleurs l’artiste, lorsque les critiques tempêtent contre son Balzac gargantuesque. Dommage donc que le film ne suive pas cette voie en préférant jouer la carte de l’érotisme facile (et non nécessaire) pour envoûter le spectateur. Rodin remplit son quota de « scènes de nues » haut la main en multipliant les séquences où de jolies jeunes femmes posent pour l’artiste en habit d’Eve … tout en lui faisant des avances. Si les sculptures du maître sont habitées par le désir, elles relèvent plus d’une force vitale que d’une lasciveté complaisante.