Dans le flagship store new-yorkais de Roche Bobois, 200 Madison avenue, décorateurs, peintres et employés s’activent pour finir le montage de la rétrospective qui va accueillir les 250 invités triés sur le volet. A quelques heures de la soirée anniversaire, le président du directoire du groupe, lui, paraît serein. Gilles Bonan reçoit patiemment les journalistes, les uns après les autres, dans un coin des 2200 m2 du showroom. « Le fil conducteur de ces 50 années, c’est la créativité. C’est le moteur de la marque avec la qualité », précise-t-il en s’asseyant dans l’un des 2 fauteuils Ben Hur, création du cinquantenaire signée Jean-Paul Gaultier. « Nous travaillons avec les designers et les fabricants, nous mettons en contact des talents, c’est pour cela que nous sommes, avant tout, éditeur de meubles ».
Pourtant, au départ de Roche Bobois, il n’était pas vraiment question de création. Il s’agissait de distribuer des meubles scandinaves, très en vogue dans les années 50. Lorsque Philippe et François Roche, petits-fils d’artisan auvergnat et spécialistes de mobilier contemporain installés rue de Lyon, à Paris, rencontrent Patrick et Jean-Claude Chouchan, fils d’immigrés russes, propriétaires du “Beau Bois” (qui deviendra Bobois), magasin de meubles boulevard Sébastopol, l’idée est d’unir leurs forces. C’était en 1960, au salon de Copenhague. Ensemble ils créent un catalogue. Roche Bobois est alors lancé. Les 4 associés ont du flair et vont ainsi importer le celèbre fauteuil Ball (1963) du Finlandais Eero Aarnio, sorte de gros oeuf en plastique de couleur sur pied métallique. Ou encore le Sacco (1968), pouf en forme de poire – ou bean bag – des italiens Gatti, Paolini et Teodoro. Des best-seller du mobilier design.
Dans le même temps, Roche Bobois sort des frontières de l’Hexagone. « Le développement est l’autre clef du succès », déclare Gilles Bonan. D’abord dans les pays francophones: la Belgique, la Suisse et le Québec. En 1974, l’enseigne ouvre sa première boutique aux États-Unis, à Manhattan (même adresse qu’aujourd’hui). Ce développement à l’international poussent les frères Roche et Chouchan à transformer leur entreprise de distribution en Maison d’édition de meubles. Cela leur assure les exclusivités mondiales avec de grands noms du design. L’allemand Hans Hopfer, père du canapé Lounge (rebaptisé le Mah Jong), assoit la renommée de la marque dès les années 70: composé de coussins matelassés capitonnés modulables, ce canapé au ras du sol sera successivement habillé par Kenzo, Missoni et Jean-Paul-Gaultier cette année.
Aujourd’hui, l’enseigne est présente dans 40 pays à travers 230 magasins, en franchise et en propre, dont 21 aux États-Unis et 7 au Canada. Elle enregistre un chiffre d’affaires de 400 millions d’euros, dont 15% réalisés aux États-Unis, le 2e marché de la marque derrière la France et devant l’Espagne. « Les Américains aiment particulièrement les canapés modulables Mah Jong; les canapés d’angle également, alors que les Français restent attachés aux canapés droits 3 places », explique Gilles Bonan. « Nous sommes présents dans les grandes villes américaines mais nous comptons nous développer davantage en Californie du sud, il faudrait même 1 à 2 boutiques de plus rien qu’à Los Angeles ».
Durant 40 ans, les 4 associés se sont partagés à parts égales le capital de l’entreprise familiale. En 2001, les Roche et les Chouchan ont commencé à préparer l’avenir: ils ont procédé à une augmentation de capital et fait entrer 2 fonds, Banexi Capital Partenaires (BNP-Paribas) et Siparex, à hauteur de 15%. Depuis 2 ans, la présidence du directoire est occupée par un non membre des familles fondatrices. « Tout s’est fait en douceur », tient à préciser Gilles Bonan. « Quand j’ai été embauché par François Roche (un HEC, comme lui), en 1999, il avait déjà en tête sa succession ».
Dans le show room, ça sent la peinture fraîche. D’immenses posters sont déroulés depuis le plafond, les meubles délicatement déplacés sur ordre de Michelle Klein, la Vice-Présidente USA. « Tout va bien se passer », chuchote Gilles Bonan, presque pour lui-même. Le big boss affiche une confiance tranquille, à l’aube d’une nouvelle décennie.
(Photo: Jean-Paul Gaultier et Gilles Bonan).
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