Dans sa maison nichée au coeur de Benedict Canyon, à Beverly Hills, Robert Clary coule des jours paisibles, loin du tumulte du monde. Un repos mérité pour cet acteur franco-américain de 91 ans, qui, dans les années 60, incarnait le caporal Louis LeBeau, prisonnier d’un stalag, dans la série hollywoodienne “Papa Schultz”. “Ça me fait plaisir de parler français. Je n’en ai plus beaucoup l’occasion. Il me reste très peu de famille en France” explique-t-il, assis dans son salon aux allures de ranch américain, décoré de lampes Tiffany.
La France, Robert Clary l’a quittée il y a bien longtemps, en 1949, quatre ans après son retour des camps de concentration. “A Paris, après la guerre, je suis devenu chanteur d’orchestre dans un dancing. J’ai eu la chance d’être remarqué par le musicien Harry Bluestone. Grâce à lui, j’ai pu enregistrer un disque aux Etats-Unis qui a très bien marché, ce qui m’a permis d’entamer une carrière outre-Atlantique”, raconte-t-il, les yeux brillants.
“A l’époque, je ne parlais pas un mot d’anglais et j’ai appris l’intégralité des chansons en phonétique ! Pour moi qui adorais l’Amérique, c’était l’occasion rêvée de partir. D’autant que rien ne me retenait vraiment en France: mes parents avaient tous les deux été tués dans la Shoah, et mes frères et soeurs survivants étaient tous mariés…”, se souvient Robert Clary. “Partir, c’était l’occasion de mettre ce lourd passé derrière moi et me concentrer sur ma carrière artistique”, explique pudiquement ce survivant des camps d’Ottmuth, Blechhammer et Buchenwald. Sur son avant-bras gauche, on distingue encore le tatouage de son numéro de matricule: A-5714.
Né à Paris dans une famille juive polonaise, Robert Clary a passé une enfance joyeuse, dans un petit appartement de l’Ile de la Cité. Dernier d’une tribu de quatorze enfants, il est remarqué à 12 ans par une dénicheuse de talents, qui lui permet d’entamer une carrière dans la chanson à la radio. La musique se révélera plus tard une véritable alliée sur la route de Robert Clary: “En déportation, c’est elle qui m’a sauvé la vie” souffle l’artiste qui est réquisitionné pour chanter tous les dimanches devant des soldats, afin de les divertir.
Raflé par la police française en 1942, il est libéré le 11 avril 1945 par les Américains à Buchenwald. Un épisode longuement relaté dans son autobiographie parue en 2008 From the Holocaust to Hogan’s Heroes (de l’Holocauste à Papa Schultz, ndlr). “Les détenus se serraient dans les bras, sautaient, dansaient, pleuraient de joie (…). Ceux qui étaient trop malades ou trop faibles se contentaient de sourire (…). Il était difficile de croire que ce jour était enfin arrivé, que nos misères allaient prendre fin, que nous avions survécu” écrit-il.
“Le monde n’apprend pas de ses erreurs”
Près de 20 ans plus tard, sa carrière artistique fera étrangement écho à son histoire personnelle. En 1963, après avoir enchaîné les spectacles musicaux à succès sur Broadway, Robert Clary est au creux de la vague. Lors de vacances à Los Angeles, un ami l’informe qu’un producteur est à la recherche d’un acteur français pour jouer le rôle du caporal Louis LeBeau dans la série “Papa Schultz”, qui raconte les aventures de prisonniers alliés dans un camp allemand pendant la seconde guerre mondiale. Robert Clary est embauché avec d’autres comédiens juifs comme John Banner (qui joue le rôle du sergent Schultz) et Leon Askin (le géneral Burkhalter), qui ont eux aussi été victimes de la barbarie nazie, deux décennies plus tôt.
Robert Clary n’a pas gardé de rancune à l’égard de la France, même s’il considère aujourd’hui les Etats-Unis comme sa première patrie. “C’est normal que je me sente plus Américain que Français. Ça fait 70 ans que je vis ici ! Et l’Amérique m’a tellement apporté”, rappelle l’artiste qui a côtoyé les plus grands noms du cinéma américain: de Mel Brooks à Sammy Davis Jr en passant par Anne Bancroft.
“Quant à ce qu’il m’est arrivé pendant la guerre, il me fallait de toute façon tourner la page, pardonner pour pouvoir avancer” ajoute Robert Clary qui a d’ailleurs tardivement décidé de témoigner de son expérience dans les camps. “Il m’a fallu plus de 30 ans pour pouvoir parler de la Shoah dans les écoles et les lycées … Avant, ça ne sortait pas mais j’en faisais des cauchemars”.
La qualification de Marine Le Pen pour le second tour de la présidentielle et la montée du populisme le désolent. “Après ce qu’il s’est passé pendant la guerre en Europe, cela me dégoûte. Mais n’allons pas croire qu’il s’agisse d’un phénomène français, souligne ce membre du parti démocrate américain. Aux Etats-Unis, l’élection de Trump est la preuve que le monde entier semble encore avoir du mal à tirer les leçons de ses erreurs passées”.
0 Responses
Merci pour ce bel article. Toutefois, je trouve dommage que vous le terminiez ainsi, sur une fausse note politique complètement erronée. En effet, comment pouvez vous comparer Marine LePen et Donald Trump? Il n’y a aucune commune mesure entre les thèses racistes et antisémites du Front National et le protectionisme ou l’exceptionnalisme Américain prôné par Donald Trump. Par souci d’honnêteté intellectuelle et même si vous n’avez toujours pas digéré la défaite d’Hilary, vous ne pouvez pas prétendre que Donald Trump nie ou minimise l’existence des chambres a gaz, dirige des milices armées, ultra violentes et nationalistes ou qu’il fasse la promotion d’un complot juif comme le fait depuis des décénies le Front National. Dommage Noémie.
mais c’est l’interwievé qui le dit ! pas la journaliste. ce sont les mots de ce monsieur… c’est entre guillements. cela n’engage que lui.
Oui Gilles vous avez raison, Noémie Taylor n’engage pas son opinion et j’aurais effectivement dû adresser mon commentaire à Mr. Clary plutôt qu’à Noémie, je m’en excuse.
pas grave…. je ne vous ai pas grondé, non plus…. 😉
mais la journaliste termine le papier là-dessus. elle met une sorte d’emphase sur ce sujet.
Exactement ! Vous avez tout compris 😉
D’un côté, énormément de gens pensent que Trump est raciste alors que non!
😉