Du côté paternel, “Rick” MacArthur a un arbre généalogique bien fourni. Son père John Roderick était un philanthrope célèbre, son grand-père John un homme d’affaires milliardaire qui a donné son nom à la prestigieuse fondation MacArthur, et son grand-oncle un metteur en scène à succès.
Mais lorsqu’il nous reçoit à Book Culture Upper West Side, la librairie dont il est l’investisseur, l’influent publisher du magazine Harper’s nous parle… de sa mère. Cette mère française, Christiane L’Entendart, qui lui a fait découvrir la littérature. “Si nous sommes ici aujourd’hui entourés par tout ça, dit-il en montrant les tables et les étagères débordant de livres, c’est grâce à elle” .
C’est aussi parce que Rick MacArthur est un ardent défenseur des “vrais livres imprimés” , fier de montrer au New York Times en 2014 qu’il utilisait des disquettes au travail. Il est, après tout, l’homme qui “hait l’internet” selon New York Magazine et qui a claqué la porte du conseil d’administration du journal de Columbia quand celui-ci a décidé de s’orienter vers le web. D’ailleurs, on ne peut pas s’abonner au site de son magazine Harper’s sans s’abonner à la version papier.
“Le gratuit nous détruit”
Il a investi dans Book Culture (fondée sous un nom diffèrent en 1997 par les Américains Chris Doeblin et Cliff Simms) fin 2014 pour répondre à la “soif” de l’Upper West Side pour les librairies indépendantes. “C’est le gratuit qui nous détruit, pas l’écran, déplore-t-il. C’est l’idée que l’écriture ne vaut rien et que tout le monde peut devenir écrivain. Je ne suis pas d’accord. Pour mener une vie d’écrivain, il faut être payé. Avec un vrai livre, l’auteur et l’éditeur reçoivent plus d’argent, plus de bénéfices, et je continue à penser qu’un livre physique a plus de force qu’un livre sur un écran” .
Cet amour du livre, Rick MacArthur le tient de sa mère, arrivée dans l’Upper West Side en 1952. “Ma mère a raté ses études à cause de la guerre. Mais mon grand-père, en bon bourgeois, avait une grande bibliothèque avec des livres partout. Il a permis à ses filles de lire tout, ce qui n’était pas fréquent. Elle a beaucoup beaucoup lu” .
“Je me suis précipité pour devenir français”
La famille MacArthur part vivre dans la banlieue de Chicago, où Rick grandit autour de “war brides” françaises, comme sa mère. “Je me suis immergé dans une culture d’exil” se souvient-il. Sa mère lui fait découvrir la mythologie grecque et, à 13 ans, le comte de Monte-Cristo qui “m’a submergé”.
Pendant tout sa carrière de journaliste, puis d’éditeur, la France était restée “au second plan” pour l’Américain. Jusqu’en 2003, quand il a entendu le discours de Dominique de Villepin contre la guerre en Irak à l’ONU. “Je me suis dit que ma citoyenneté française comptait pour quelque chose. J’étais anti-Bush, anti-guerre et voilà quelqu’un qui osait affronter l’Amérique, mon pays paternel, pour de bonnes raisons, déclare ce “liberal” convaincu. Je me suis précipité pour obtenir la nationalité française pour toute ma famille. ”
“Pas une nouvelle librairie française”
Rick MacArthur ne cache pas son admiration pour le livre français. “Lors d’un séjour à Bordeaux, j’ai vu un Virgin fermé pour cause de banqueroute. En France, la grande librairie indépendante a gagné contre la chaine!” s’exclame-t-il. Il dit lire en même temps un livre en anglais et un autre en français. Et pas uniquement de la fiction: Zemmour et Emmanuel Todd sont passés sur sa table de chevet.
Aujourd’hui, il espère apporter un peu plus de littérature française à Manhattan en organisant des “soirées françaises” autour d’auteurs à Book Culture Upper West Side (une deuxième librairie se trouve à Morningside Heights). Le mercredi 10 juin, il recevra la journaliste Françoise Noiville pour son livre Attachment sur la relation obsessive entre une mère et sa fille.
Il recherche aussi un(e) francophone pour assurer régulièrement des lectures en français aux enfants. “Nous ne voulons pas devenir une librairie française, assure-t-il. On voudrait encourager et promouvoir la littérature française et que les Français du quartier se sentent accueillis” . A bon entendeur.