L’insurrection se passe aussi dans l’assiette, surtout si elle est savourée dans un lieu secret et intime. Lancée le 18 juin, date symbolique de l’Appel du général de Gaulle, la Résistance n’est pas un restaurant comme les autres. Il ouvre ses portes chaque week-end chez une Française qui se fait appeler “Aurélia Blanc” .
“Ce n’est pas un restaurant professionnel mais clandestin, avec une vraie expérience française” , résume la cheffe pétillante, installée à Los Angeles depuis trois ans. Pour s’y rendre, il faut suivre les instructions. Tout commence par un courriel avec la destination. Arrivé devant l’élégante demeure du quartier de Los Feliz, on frappe à la porte. “Mot de passe ?”, demande une voix derrière la grille. Une fois la formule donnée, vous pouvez pénétrer dans la bâtisse en passant par la cuisine, où vous découvrez la cheffe aux fourneaux, en train de faire flamber les crèmes brûlées ou de goûter le pot-au-feu qui mijote.
Vous pourrez découvrir l’arrière-cour, propice à une partie de pétanque ou de fléchettes, en savourant un apéritif aux accents du Sud, avant de vous installer à l’une des cinq tables portant le nom de ses auteurs préférés (Honoré Balzac, Molière, Voltaire, Victor Hugo, Emile Zola). “Mon grand-père était pâtissier chocolatier. Petite, je faisais mes confitures maison et je testais des recettes comme le lapin à la moutarde.”
En grandissant, “Aurélia Blanc” s’est orientée vers une autre passion, la musique, tout en continuant à cuisiner. L’arrivée dans sa demeure actuelle à Los Feliz lui a donné l’envie d’aller plus loin. “L’idée m’est venue alors que je jardinais. Je me suis dit que le patio était joli et qu’il ressemblait à un restaurant. Alors pourquoi ne pas en ouvrir un ? Ce n’est pas conventionnel, mais j’ai l’âme d’une résistante” , raconte-t-elle, en évoquant le passé résistant de son grand-père. Son entourage, habitué à savourer sa cuisine, l’a encouragé à se lancer dans ce projet.
Le concept n’est pas sans rappeler les restaurants clandestins qui se sont multipliés à New York pendant la crise de 2008, ouverts par des restaurateurs amateurs passionnés ou des individus à la recherche d’une manière créative de payer leur loyer. On ne peut pas ouvrir un espace commercial n’importe où, mais à La Résistance, les repas sont assimilés à des événements privés.
Sur place, ne vous attendez pas à de la cuisine moléculaire. “J’aime la cuisine traditionnelle, comme la blanquette de veau. A Los Angeles, il y a beaucoup de restaurants français américanisés. J’avais envie de faire découvrir les plats de grand-mères dans ce havre de paix.”
Jusqu’au mois d’octobre, Aurélia Blanc propose dîners (49 dollars) et brunches (35 dollars) le week-end, avec des plats aux goûts familiers: ratatouille, tartine provençale, quiche-lorraine, madeleines, pot-au-feu… “Je mise sur la qualité et l’authenticité. Je prépare le chocolat chaud à l’ancienne: à la casserole et remué avec une cuillère en bois” , assure celle qui a grandi entre Aix-en-Provence et Paris. De la vaisselle “Le Creuset” au café moulu par la cheffe en passant par la musique de fond (Gainsbourg, Brassens, Vanessa Paradis), la Résistance offre un retour en France le temps d’un repas.