Une file s’est formée dans Turk street, devant le local de la Fraternité Notre Dame. Comme toujours à cette heure-ci, des religieuses françaises y servent gratuitement des repas préparés par leurs soins.
En plein Tenderloin, vitrine vivante des inégalités san-franciscaines, se côtoient tech workers et sans-abris, magasins de luxe et supérettes décaties. Coincée entre un liquor store et un hôtel, la devanture modeste du local des sœurs de la Fraternité Notre Dame est devenue tristement célèbre ces dernières semaines : les sœurs françaises sont menacées d’expulsion.
Depuis huit ans, elles servent environ 300 personnes à chaque repas, assurent trois déjeuners par semaine dans ce local et deux dîners dans d’autres quartiers de la ville.
En janvier, le propriétaire du local -où elles habitent également- leur annonce par courrier une hausse de loyer de 60 %. Deux options : payer ou partir. Les donations et les pâtisseries qu’elles préparent et vendent sur les marchés sont le seul revenu des sœurs. « Nous payons déjà 3 465 dollars. On nous demande maintenant 5 500 dollars mensuels », résument des panneaux accrochés côté rue, sur les fenêtres en aluminium de leur Mary of Nazareth Soup Kitchen. « Battez-vous pour nous, priez pour nous. »
Le combat des sœurs Marie-Bénédicte, Marie-Valérie et Marie of the Angels, d’abord raconté par le San Francisco Chronicle, a été relayé dans la presse locale, puis nationale. Au carrefour de deux défis majeurs de San Francisco – la hausse sans fin des loyers et la question des sans abris – leur histoire a ému.
Depuis ces premiers reportages, une campagne de financement participatif a été lancée, qui a récolté à ce jour plus de 20 000 dollars sur un objectif de 25 000 – l’équivalent de la hausse de loyer sur un an.
Aidées gracieusement par un avocat, les sœurs ont rapidement obtenu la suspension de la menace d’expulsion, avant qu’un généreux donateur ne frappe à leur porte : Tony Robbins. Coach en développement personnel, auteur charismatique, philanthrope et star médiatique, Tony Robbins leur propose, vendredi 22 février, un chèque de 25 000 dollars – de quoi tenir un an.
Il évoque un second chèque similaire d’ici un an pour les aider à trouver un nouveau local où leur avenir sera assuré – si besoin, avec l’appui de ses amis bien placés, selon des propos rapportés par le Chronicle.
La proposition de Tony Robbins a permis de trouver une voie de consensus avec le propriétaire, jugée satisfaisante par ce dernier. Un accord entre les trois parties devrait être finalisé dans les prochaines semaines. « Le propriétaire de cet immeuble est un homme d’affaires, c’est son business, ça, je le comprend, explique Tony Robbins dans les colonnes du Chronicle. Pour éviter le conflit, il fallait lui proposer une porte de sortie. [Avec cette proposition], tout le monde y gagne », se félicite-t-il.
Malgré ce répit, les soeurs françaises restent laconiques : “rien n’est finalisé ; ce qui sera intéressant, ce sera quand on aura trouvé la solution.”