Tous les jours, vers 11h30, le même rituel se produit dans la rédaction de French Morning. Le patron se lève de son bureau, traverse la salle vers la télévision et l’allume, à temps pour voir le premier match de coupe du monde de la journée. “Il y a des choses importantes dans la vie“, a-t-il dit une fois, toujours philosophe, en activant le téléviseur.
La coupe du monde au Brésil tombe mal pour les entreprises américaines: les matches se déroulent presque tous (à l’exception du week-end) pendant les heures de travail. Face à cette malheureuse coïncidence, les employeurs ont le choix: agir comme French Morning et faire profiter tout le bureau des joies du ballon rond, ou au contraire, serrer la vis en rappelant que le travail, c’est le travail.”Ça serait une folie pour un employeur d’autoriser ses employés à quitter le lieu de travail pour aller voir les matches“, s’exclame pour sa part le cadre d’une grande banque française à New York.
Baisse des volumes de transactions
Les partisans du « zéro foot » ont raison. Ballon rond et productivité ne font pas toujours bon ménage. Lors la coupe du monde 2010, le volume des transactions sur les marchés latino-américains a chuté de 77% en moyenne lorsque les équipes de la région jouaient. Des baisses de 63% en Afrique, 43% aux Etats-Unis et 38% en Europe ont également été enregistrées selon les données de la Banque centrale européenne. Toujours en 2010, la société Inside View a estimé à 121 millions de dollars la perte résultant des pauses-foot aux Etats-Unis (bien moins que les 7,3 milliards estimés pour le Royaume-Uni).
Et comme le rappelait un récent article du New York Times, la coupe du monde chamboule les relations entre les employés en créant des dissensions entre footeux et non-footeux, entre ceux qui sont “in” et les autres.
A la mission française auprès des Nations Unies, où le futur ex ambassadeur de France Gérard Araud ne cache pas son désamour du foot, on est en plein dedans. En témoigne ce tweet de l’Ambassadeur le jour de France-Suisse:
Match France/Suisse. L’ambassadeur erre seul dans les couloirs de la mission déserte…..
— Gérard Araud (@GerardAraud) June 20, 2014
Chez BGC Partners, une firme financière où travaille le très footeux franco-américain Charles Kergaravat, on a fait le choix de tout montrer. “Les écrans de télé dans la salle des marchés sont habituellement sur Bloomberg TV ou sur CNBC. Ces jours-ci, c’est la coupe du monde. Tout le monde se prend au jeu“, indique-t-il. Mais l’œil sur le foot n’est pas toujours désintéressé. “Certaines entreprises montent pendant la coupe du monde, notamment les entreprises des pays qui gagnent, ou les sociétés qui sont impliquées dans le coupe comme Adidas, Nike, Budweiser ou Visa“.
Pour Ariane Daguin, PDG de d’Artagnan, qui emploie 160 employés du monde entier, la coupe du monde n’est pas un casse-tête de productivité. “Personne ne suit les matches pendant les heures de travail. Ce n’est pas comme en Gascogne. Ici, tout le monde bosse, glisse cette native de Gascogne. Dans notre entrepôt, on ne peut même pas écouter les matches car les écouteurs sont interdits“.
Et pourtant, le magazine Forbes, voix du capitalisme américain, affirme dans une tribune parue mercredi que “la coupe du monde augmentera la productivité au travail“. L’auteur de l’article, le vice-PDG de la société Imagine Easy Solution, raconte qu’il a organisé un quizz de foot avec buffet brésilien à l’occasion du match Etats-Unis vs. Ghana. Cette modeste operation aurait permis de ressouder les liens dans ses équipes.
Il donne aussi trois conseils pour accroitre la productivité au bureau pendant la coupe du monde. Parmi eux: diffuser les matches en streaming dans une salle de conférence pour préserver la connexion Internet (si tout le monde les regarde sur leur ordinateur, le système risque de ramer). Finalement, on a tout compris à French Morning.