« Devenir ou redevenir maman, c’est une nouvelle identité. On perd tous nos points de repères tant physiologiques que psychologiques », explique Caroline Huart, éducatrice parentale diplômée en psychologie. « Or quand on est une maman immigrée, on les a déjà perdus une fois en arrivant dans un nouveau pays, ça peut faire beaucoup. » Même quand le bébé est en bonne santé, et qu’on est bien entouré, la période consécutive à l’accouchement peut s’avérer difficile. Le hashtag #MonPostPartum lancé dans l’Hexagone en 2020 est symbolique d’une libération de la parole sur ce sujet jusque-là tabou. En France toujours, le secrétaire d’État à l’enfance vient d’annoncer vouloir instaurer, dès début 2022, un entretien systématique après l’accouchement pour mieux déceler la dépression post-partum. Pour les Californiennes d’adoption aussi, des ressources existent pour vivre au mieux cette période à des milliers de kilomètres de sa famille et de sa culture.
La coach parentale belge a par exemple choisi de faire appel à une doula francophone pour son premier accouchement californien il y a huit mois. Son rôle ? Conseiller, informer et offrir un réconfort émotionnel et physique à une mère avant, pendant et après la naissance de son enfant. C’est ce que fait Eve Daures dans la Baie depuis cinq ans. « La doula post-partum c’est comme avoir une sœur ou une amie qui est là pour t’aider sur tous les plans », précise-t-elle. Et c’est ce qui manque souvent aux mamans loin de leurs racines.
Pour prêter main forte aux parents, Eve Daures propose un forfait de 20 heures à utiliser après la naissance, par session de 3 heures. La doula va « les rassurer dans leurs nouveaux rôles, faire un massage à la maman, donner des conseils pour l’allaitement, les soins du bébé, montrer comment l’apaiser ou le calmer avec le peau-à-peau, l’emmaillotage… Le reste c’est de l’aide pratique : ça peut être faire une vaisselle ou garder le bébé pendant que les parents dorment ».
It takes a village, dit l’expression populaire. À défaut d’être proche des siens, « les groupes de mamans sont un excellent moyen de s’informer et de trouver une communauté bienveillante. Il y en a beaucoup, y compris des Francophones », confirme Caroline Huart. « Laetitia, une autre doula, anime un groupe de discussion post-partum en français. Les intéressées peuvent écrire à [email protected] », ajoute Eve Daures. L’ancienne sage-femme, également jeune maman, s’occupe quant à elle d’un groupe de discussion prénatal, nommé baby in progress. Une autre façon de se projeter pour mieux appréhender l’après-accouchement.
Tout est une question de préparation en amont et de soutien le moment venu. « Cela m’a clairement aidé de savoir ce qui m’attendait, à quelle sauce j’allais être mangée. On a aussi longuement parlé avec mon mari de nos attentes et on s’était mis d’accord sur le rôle de chacun. » La Française insiste d’ailleurs, avec les futurs parents, sur l’importance de s’organiser avec son ou sa partenaire. « Pour les personnes qui reçoivent de la famille en visite, il est aussi important de réfléchir à l’avance à l’espace de chacun pour éviter les situations explosives », renchérit Caroline Huart.
En général, la liste de naissance se compose d’objets ou de linge pour le nouveau-né. « Mais pourquoi ne pas y mettre des soins post-partum pour la maman ? », suggère Carole Huart. Une idée qui lui tient à cœur et qui l’a poussée à suivre la formation INNATE, pour apprendre des pratiques traditionnelles des quatre coins du monde destinées aux jeunes mères. Offrir des heures de massage, d’acupuncture, de ménage… sont tout autant de moyens de décharger les parents après l’arrivée d’un enfant. « Aux États-Unis, la coutume veut que les amis et voisins des nouveaux parents cuisinent pour eux », se souvient Eve Daures. « Surtout acceptez », conseille à son tour l’éducatrice parentale spécialisée en Discipline Positive, « recevoir ou demander de l’aide n’est pas une faiblesse mais est indispensable. »
Malgré l’éloignement, il y a du bon à enfanter en Californie. « Dans la Baie de San Francisco, les consultantes en lactation sont facilement accessibles, en général les mamans allaitantes en rencontrent à la maternité et peuvent continuer à en voir par la suite », remarque la doula. Le congé paternité ou du deuxième parent est aussi souvent plus long qu’en France. Jusqu’à 12 semaines garanties par la loi californienne, dont au moins 8 seront payées. Les start-up et entreprises de la Tech redoublent même de générosité pour attirer les talents, Facebook propose ainsi un congé paternité de 4 mois, quand Netflix va jusqu’à un an. Ce qui fait dire aux deux mamans que finalement « la Californie, c’est plutôt baby-friendly ».