“New York reste la ville la plus photogénique du monde et la capitale de la photographie”. Depuis le 1er mai, le photographe et réalisateur Raymond Depardon est aux Etats-Unis pour une Correspondance New-Yorkaise avec le journal Libération. Une série de photographies prises à la chambre, qui sera exposée du vendredi 12 mai au samedi 1er juillet au FIAF.
Le projet fait écho à une première correspondance avec le quotidien qui avait marqué les esprits lors de l’été 1981. Pendant un mois, Raymond Depardon envoyait via Concorde un cliché de la ville par jour, accompagné d’un petit texte.
“Pour publier une photographie dans la presse, on se pose toujours la même question. Soit on entasse du matériel pendant des mois et puis on en fait une histoire, soit on envoie chaque jour”, explique le photographe, qui fut l’un des premiers à l’époque à jouer le jeu d’une correspondance quotidienne.
Mais la véritable rupture, c’est son choix pour les “temps morts”, face à l’humanisme photographique très présent en France à l’époque. “L’idée, c’était de donner la parole au photographe. De dire que derrière l’appareil photo, il y a un photographe et un individu surtout”, se souvient l’artiste.
Trente-six ans plus tard, c’est grâce à l’initiative de François Hébel, responsable de la galerie du FIAF et ancien directeur des Rencontres de la photographie d’Arles, que Raymond Depardon revient à New York début mai. Le principe est le même, mais cette fois-ci c’est à la chambre photographique que le reporter réalise ses clichés. “La chambre oblige à faire peu de photographies, j’ai été obligé de prendre des distances par rapport au mouvement, aux passants, aux voitures […] et dix photos en dix jours, c’est quand même un vrai challenge”, confie-t-il.
Pour cette nouvelle série, le photographe a de nouveau parcouru la ville, à la recherche de ce qu’elle a de plus emblématique, de plus nouveau ou de plus intemporel. Des “moments” qui ont du sens pour son auteur. Comme en 1981, il explique son choix via un billet écrit pour chaque cliché. “Quand on arrive à New York on est toujours fasciné […] c’est encore plus cosmopolite que dans les années 1980″, confesse-t-il.
Raymond Depardon a toujours tissé un lien particulier avec la photographie américaine. “Ce que j’aimais bien dans la photographie américaine, c’était de partir à l’assaut des villes, du désert, du Pacifique”, raconte le photographe qui à sa manière a sillonné la France à la rencontre de toutes les classes sociales pour ses clichés ou ses documentaires. “Ce qui m’a aussi beaucoup influencé, c’est le travail des photographes américains sur la ruralité pendant la Grande Dépression des années 1930. Quand j’ai commencé à faire des photos sur les paysans, les Parisiens ont été un peu réfractaires au début”.
A Villefranche-sur-Saône, Raymond Depardon a grandi dans cette ruralité et l’a ensuite capturée tout au long de sa carrière. Dès 18 ans, il devient photographe reporter avec une première mission au Sahara. Il couvrira ensuite la Guerre d’Algérie, Mai 68, le conflit au Vietnam, tout en photographiant les personnalités du XXème siècle. De Brigitte Bardot à Nelson Mandela ou Valéry Giscard d’Estaing qu’il filmera durant toute sa campagne électorale pour le documentaire “1974, une partie de campagne”, une première en France.
Mais le plus grisant n’est pas du côté des grands Hommes. “J’aime faire une photo qui, de prime abord, n’a l’air de rien, qui n’est partie de rien, et qui, doucement, devient un temps fort, spécifique, important. Quand on part d’un temps incroyablement puissant, la photo est toujours décevante par rapport au réel. Je préfère aller dans l’autre sens, d’un temps faible qui devient fort”.
Homme de cinéma avec plus de 50 films à son actif, Raymond Depardon partira à Cannes après New York, où il présentera son prochain documentaire “12 jours”. Ici, il revient une nouvelle fois vers l’univers de la psychiatrie et explore notamment la durée légale de 12 jours au terme de laquelle un juge peut confirmer l’internement d’un patient ou non.
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Depardon, le photographe et New York, ça fait un peu “cliché”, non ?