L’artiste française Rachel van der Nacht est restée à New York pendant toute la pandémie. Elle en a profité pour réaliser un ensemble d’œuvres en hommage à la vie nocturne new yorkaise et à ses personnages les plus emblématiques. « Au départ, j’ai pris en photo les clubs de New York avec un ami, mais on s’est rendus compte qu’elles étaient tristes et déprimantes. C’est comme cela que j’ai eu l’idée de tout dessiner a la main. Les clubs, les gens … et tout transformer en scènes de nuit », explique-t-elle.
En est ressorti le projet « Night Emperors », où elle a dessiné huit boîtes de nuit de Manhattan en 2020, et leurs patrons, barmen, DJ, serveurs, habitués etc, tous les individus qui font l’âme de ces lieux de fêtes nocturnes. Des personnages hauts en couleurs, à la fois pop et flashy, qui contrastent avec le noir et blanc des lieux.
Aujourd’hui, l’artiste vient de lancer l’édition de Brooklyn, et a inauguré la semaine passée sa première exposition au bar à cocktails Ponyboy à Greenpoint. Elle y expose une grande œuvre achetée par le bar, ainsi que 50 portraits individuels à vendre.
Credit: @rachelvandernacht
« J’ai choisi de hauts lieux de la nuit new-yorkaise, et j’ai dessiné plus de 350 portraits à la main. La nuit. C’était un projet titanesque, mais aussi une sorte de thérapie pour échapper à cette difficile réalité : pour la première fois, nous avons vu “la ville qui ne dort jamais” endormie. Cela a mis tellement de gens dans une situation précaire ».
Pour Rachel van der Nacht, cet ensemble d’œuvres est une façon de rappeler à l’ordre les pouvoirs publics qui ont traité la culture comme un secteur non essentiel, alors qu’il fait partie intégrante de l’ADN de la ville. Au départ, elle a sélectionné huit boîtes de nuit réputées à Manhattan : Lola, Le Bain, Paul’s Baby Grand, Soho Grand, China Chalet, Et Al, Casblanca et The Box. Dès qu’elle a posté ses œuvres sur les réseaux sociaux, celles-ci ont fait le buzz, et ont été achetées par Soho Grand et Baby Grand.
L’artiste décide alors de proposer son œuvre au projet « Inside Out » de JR, qui affiche des portraits grand format de communautés partout dans le monde, mais ce dernier n’accepte que des photos. Qu’à cela ne tienne, elle prend les photos des personnages de ses œuvres et parvient à décrocher le sponsoring. Les 50 portraits photos sont placardés dans le Lower East Side en décembre 2020.
Crédit: @rachelvandernacht
Avant d’être une New Yorkaise pur jus, Rachel van der Nacht a pourtant eu des débuts difficiles avec la ville. « J’ai vécu à Berlin et ai rencontré le fondateur d’un studio de création qui marchait très bien. Il m’a expliqué que New York avait changé sa vie et, comme je voulais faire comme lui, j’ai quitté mon boulot et je suis partie ». Elle commence une école d’arts visuels en plus d’un travail freelance à distance, un quotidien intense. Les premiers mois sont difficiles, mais elle s’accroche. « À New York, personne n’est ici par hasard. Cette ville est incroyable car elle donne plein d’opportunités quand on est tenace et déterminé ». Et elle essaie de faire sienne au quotidien cette citation de Mark Twain : « les seules choses qu’on ne regrette jamais dans la vie sont les folies ».
En freelance, elle parvient à décrocher des missions de création artistique pour Adidas, Nike, Puma ou encore Equinox, et poursuit en parallèle ses projets personnels. L’an passé, elle décide d’organiser sa première exposition solo à Greenpoint, intitulée WALL (We All Love Love) : « J’aime le contraste dans les couleurs mais aussi dans le propos. Mes œuvres ont un humour décalé, parfois contre-intuitif comme un cactus ou des boxeurs qui se font un ‘hug’ ». L’un des DJ les plus en vue de New York, Eli Escobar, accepte de venir mixer pour la soutenir, l’événement est un succès.
L’artiste ne compte pas s’en arrêter là et cherche des partenaires et sponsors pour l’accompagner dans de nouvelles aventures. Son prochain projet ? « J’aimerais imprimer en grand format les portraits en dessins de Night Emperors et les placarder dans New York. Et en profiter pour rassembler tous ces gens emblématiques de ces clubs. Ce serait comme un grand happening d’insomniaques », dit-elle avec un sourire.