Pour Adeline Monzier, c’est un rêve qui devient réalité. La Française et le distributeur new-yorkais Ira Deutchman ont obtenu les sept millions de dollars nécessaires à l’acquisition du Metro Theater, un cinéma historique de l’Upper West Side fermé depuis 2005. L’annonce a été faite dimanche 6 avril lors d’une conférence de presse devant l’édifice, en présence de plusieurs élus locaux qui ont soutenu le projet.
« On a presque du mal à y croire nous-mêmes, mais quand on s’est lancé dans l’aventure, on s’est toujours dit qu’on arriverait à convaincre les gens que c’était une bonne idée », se félicite Adeline Monzier, qui fût la représentante d’Unifrance aux États-Unis dans une autre vie.
L’objectif : transformer cet endroit légendaire en un cinéma d’art et d’essai de cinq salles, avec un café-restaurant. Le projet a reçu le soutien d’une belle brochette de stars (Martin Scorsese, Ethan Hawke, Frances McDormand…), mais il doit son salut à Steven Spielberg, dont la fondation a apporté la moitié des fonds nécessaires au rachat du bâtiment par l’Upper West Side Cinema Center (UWSCC), l’association à but non-lucratif créée par Adeline Monzier et Ira Deutchman.
La participation du réalisateur de renom et les bienfaits économiques et culturels attendus de cette revitalisation ont convaincu l’État de New York de mettre la main à la poche. Le Sénat de l’État et la gouverneure démocrate, Kathy Hochul, ont respectivement donné 500 000 et 3,5 millions de dollars pour permettre l’acquisition.
Depuis sa fondation, le Midtown Theater (son nom initial) est passé entre plusieurs mains, devenant même un cinéma X dans les années 1970. La chaîne de salles de sport Planet Fitness et les ciné-restos Alamo Drafthouse se sont montrés intéressés par la location du bâtiment classé, mais les démarches n’ont pas abouti.
Quand Adeline Monzier et Ira Deutchman, qui cherchaient à monter un cinéma d’art et d’essai, ont appris, en avril 2024, que le Metro Theater était en vente, ils ont sauté sur l’occasion. Tout en entamant des discussions avec les propriétaires – la famille de l’ex-développeur immobilier Albert Bialek -, ils ont obtenu le soutien des New Friends of the Metro Theater, une association locale qui milite pour la réouverture du lieu, et un non moins précieux article dans le New York Times en juillet.
Le coup d’accélérateur décisif s’est produit en décembre dernier, alors qu’une deadline imposée par les propriétaires approchait pour la vente. « On avait effectué des petits fundraisers divers, rencontré beaucoup de gens… On avait le sentiment d’arriver au bout de ce qu’on avait imaginé pouvoir faire, mais c’est à ce moment-là que les politiques ont pris le relais», se félicite Adeline Monzier.
La récolte de fonds n’est pas terminée pour autant. Ils doivent à présent trouver autour de vingt millions de dollars pour la rénovation du bâtiment, avec l’espoir d’une participation de la Ville de New York. « Nous entrons dans le dur, résume la Française. En ayant annoncé des grands noms comme Steven Spielberg et complété ce rachat malgré le scepticisme et le calendrier resserré, nous espérons qu’il y aura plus de confiance et qu’il sera plus facile de convaincre les gens. »
Son organisation lancera une série de dix projections au printemps et à l’été autour du thème de l’amour du cinéma, en partenariat avec des groupes de l’Upper East, l’Upper West Side et Harlem (Maysles Cinema, Symphony Space…). Objectif : fidéliser un public pendant les travaux qui devraient durer deux ans et demi. Adeline Monzier l’a constaté à l’occasion de l’annonce de la reprise, qui a eu lieu lors d’une foire de rue sur Broadway : « Il y a un vrai enthousiasme de la part du quartier, assure-t-elle. Au-delà de combler un manque en termes de cinéma d’art et d’essai dans cette partie de la ville, nous répondons, aujourd’hui plus que jamais au vu de la détérioration du climat politique, à un besoin de positivité et de communauté. »