Pendant des décennies, Marie-France Brière a régné sur le paysage audiovisuel français (PAF). Comme responsable des programmes de variétés des grandes chaînes, elle a lancé des émissions (Fort Boyard, Les Minikeums, le Collaro Show…) et des talents du petit écran (Patrick Sabatier, Thierry Ardisson, Patrick Sebastien, Les Inconnus…) qui ont traversé le temps.
Aujourd’hui, elle jète son dévolu sur un autre inconnu: l’archiviste de la ville d’Angoulême Florent Gaillard. L’historien sert de fil conducteur à son surprenant documentaire “Et si New York s’appelait Angoulême”, qui retrace l’histoire oubliée de la découverte de la Baie de New York par l’explorateur Jean de Verrazane envoyé par François Ier dans les années 1520 pour identifier un accès vers la Chine. En arrivant au large de l’actuelle New York à bord de “La Dauphine”, le marin a baptisé ces terres “Angoulesme” en l’honneur du souverain, comte d’Angoulême. Nous sommes en 1524, bien avant l’arrivée des colons hollandais puis britanniques. Verrazane n’ayant pas planté de drapeau ou installé de colonie sur place, le nom n’est pas resté, subsistant uniquement sur des cartes de l’époque et dans d’autres documents rares.
Le documentaire sera montré pour la première fois aux Etats-Unis le 12 novembre dans le cadre du nouveau festival French Cinema Week, la version new-yorkaise du Festival du Film francophone d’Angoulême, co-fondé en 2008 par Marie-France Brière et Dominique Besnehard. La première édition de ce nouveau-rendez-vous, monté par les cinéphiles Laurence Teinturier et Marie-José Hunter, durera jusqu’au 14 novembre en présence de Charlotte Gainsbourg et d’Yvan Attal notamment.
“Et si New York s’appelait Angoulême” suit Florent Gaillard dans son “enquête” entre la ville charentaise et New York, sur les traces de ce qu’il reste d’Angoulême dans la Grosse Pomme. “Je suis très fière de faire connaitre cette belle histoire, raconte Marie-France Brière, qui viendra présenter le documentaire avec Florent Gaillard. On ne s’attend pas à ce que New York et Angoulême, 40 000 habitants, soient mises sur le même plan“.
Marie-France Brière a entendu parler de cette histoire “ahurissante” à la bibliothèque parisienne Saint-Geneviève quand elle a découvert la thèse de 1950 de l’historien Jacques Habert, ancien sénateur des Français de l’étranger, sur le passé angoumois de New York. Il y a quatre ans, elle se lance dans des recherches. “Il n’y avait pas grand chose à Angoulême. Ce qui m’a surprise car la ville n’a pas changé. Je me disais qu’il serait facile de se remettre à l’époque de François Ier, mais non…“. Lors de son enquête, elle croise cependant le chemin de Florent Gaillard, qui deviendra le personnage principal du documentaire. Elle avait songé à prendre une figure connue pour être “l’enquêteur”, en l’occurence l’acteur François-Xavier Demaison. Mais son ami Thierry Ardisson l’a convaincue de choisir un historien. “Il m’a rappelée que j’avais l’habitude de prendre des inconnus et de les mettre en valeur“, se souvient-elle.
Côté new-yorkais, les recherches sont plus prolixes. Elles l’emmènent au Lycée français de New York, où Jacques Habert à enseigné, au Consulat de France, à Columbia, la New York Historical Society, où se trouvent des vieilles cartes de la région, et surtout la Morgan Library où se trouve une copie du rapport de son expédition que Verrazane a fait à François Ier. Dans ce petit trésor, que le roi fait prisonnier ne lira pas, on trouve l’ensemble des régions de “Nouvelle-France” nommées par le navigateur le long de la côte nord-est des futurs Etats-Unis. “Il nous a fallu trois mois de discussions pour pouvoir filmer cinq pages du manuscrit“, se souvient Marie-France Brière.
Cette plongée dans l’Histoire a donné d’autres envies à la productrice de 78 ans, qui planche sur un documentaire sur le rapport entre Napoléon et les îles. “Je suis toujours en train de penser à ce que je vais faire, pas à ce que j’ai fait“.