Visite guidée à l’ONU. L’accès à la salle de l’Assemblée générale est interdit. Du balcon, Samia Essabaa, professeur d’anglais au Lycée professionnel Théodore Monod de Noisy-le-Sec (Seine Saint-Denis), aperçoit tout de même des visiteurs s’y balader. «Sous prétexte qu’ils sont amis avec des personnes qui travaillent ici, ils peuvent y accéder… C’est pas très égalitaire tout cela. J’aime pas vraiment ça ».
« C’est pas très grave, on peut faire un zoom avec l’appareil photo M’dame, ça revient au même », rétorque Margot.
La prof’ et sa classe sont de passage à New York. Trois jours de visite, trois jours d’expériences partagées pour un seul objectif : découvrir une autre culture. Outre l’ONU, le groupe est attendu au Museum of Jewish Heritage et sur Ellis Island pour une leçon de tolérance en terre américaine. «On n’a pas le temps d’être fatigué», lance Capucine en bâillant, épuisée par le long voyage transatlantique de la veille.
Stimuler la curiosité pour la différence, c’est le cheval de bataille de Samia Essabaa. Cette enseignante du 9-3 lutte depuis des années toutes les formes d’intolérance. Décorée de l’ordre des Palmes académiques en 2007 et nommée au grade de Chevalier de l’Ordre national du mérite – récompense remise en 2009 par Simone Veil en personne – elle enseigne à des adolescents majoritairement issus de l’immigration comment changer leur regard sur l’autre. Son arme : les voyages. En quatre ans, “la prof de tolérance” a emmené ses élèves à Auschwitz, Washington, Berlin, au Maroc et au Sénégal. Le séjour new-yorkais est lui la conclusion d’un travail, réalisé avec ses Terminales section « Métiers de la Mode », sur l’histoire de l’immigration en France et aux Etats-Unis. «Grâce à ces projets nous luttons contre l’échec scolaire», insiste l’enseignante.
La différence, les élèves de Mme Essabaa y sont habitués. «Lorsqu’on va à Paris, on sent le décalage avec les Parisiens… Ce sont souvent des fils et filles à papa. Ils se sentent supérieurs à nous car il ont de l’argent», s’exclame Selver. «A Paris, je me sens regardée comme différente… Ca ne m’atteint pas plus que ça, car je sais qu’au fond ils sont exactement comme nous: des êtres humains», relativise Cindy.
KFC, Macdo, H&M: ces élèves de 17-20 ans travaillent pratiquement tous les week-end en dehors des cours pour se «faire un peu de sous» et soutenir leur famille. «Je ne veux pas demander à mes parents de l’aide, donc on travaille pour l’indépendance, dit l’une d’eux. On n’a pas envie de demander plus que ce qu’ils nous donnent». Certains ont financé le voyage à New York de leur propre poche. Coût: 150 euros par personne grâce aux nombreuses aides que Samia Essabaa a réussi à récolter en frappant aux portes. «Il y en a beaucoup qui n’auraient pas pu se permettre de payer plus de 150 euros, indique la professeure. C’est une très bonne classe», assure-t-elle.
« On a déjà beaucoup travaillé sur l’immigration, donc les visites à New York mettent des images sur ce qu’on a appris, raconte Capucine. L’immigration, c’est normal pour nous. On en est tous issus. Mais lorsqu’on se penche sur la question, on comprend réellement les choses et on apprend surtout l’histoire des autres cultures. »
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Très bonne initiative de ce professeur car il n’y a pas mieux que les voyages et la prise de conscience des jeunes face à la réalité d’autres cultures et pays. Ce sera tout bénéfice pour eux car cela restera une expèrience enrichissante à tout point de vue: responsabilité, dureté de la vie sous tous les cieux; ils en reviendront grandis et oeuvreront pour l’élargissement de leur prise de conscience en transmettant de leurs expèriences. D’autres profs devraient se lancer dans cette ” bataille” de la découverte. Bravo à tous.