Conférences, « master classes », projections : Bertrand Tavernier est à New York jusqu’au 19 mars, avec un agenda bien rempli.
Le réalisateur français a commencé son séjour dans la Grosse Pomme par la présentation, jeudi, de son dernier film « Quai d’Orsay », nommé dans la catégorie “Meilleure adaptation” aux Césars, et dont la sortie américaine est prévue le 21 mars. Il était accompagné du conseiller culturel Antonin Baudry, la plume derrière la bande-dessinée du même nom qui a servi de base pour le film.
“J’ai lu le premier volume de la BD très rapidement après qu’il ait été publié et je l’ai beaucoup aimé, je l’ai trouvé très drôle. Je voulais faire un film sur la politique depuis très longtemps, mais je n’avais pas trouvé le bon sujet. Quand Quai d’Orsay est sorti, j’ai tout de suite voulu acquérir les droits”, s’enthousiasme M. Tavernier.
Plus connu sous le pseudonyme Abel Lanzac, avec lequel il a co-signé la bande dessinée “Quai d’Orsay”, Antonin Baudry se rappelle de sa rencontre avec le réalisateur, dans un restaurant indien de New York. “Lorsqu’il m’a parlé de son projet, je n’ai simplement pas pu lui dire non : on ne refuse pas un film à Bertrand Tavernier!”, plaisante-t-il.
Drôle le film l’est, grâce à ces personnages, bien loin des caricatures sur les diplomates, incarnés par Thierry Lhermitte (le Ministre des Affaires Etrangères, Alexandre Taillard de Worms, explicitement inspiré de Dominique de Villepin), Niels Arestrup (le chef de cabinet Claude Maupas) ou Raphaël Personnaz (Arthur, le stagiaire de l’ENA).
Inspiré par l’expérience d’Antonin Baudry lors de son passage au Ministère des Affaires Etrangères entre 2002 et 2004, le récit, loin d’être un exutoire, montre au contraire la vie des hauts fonctionnaires comme elle se déroule, sans fard, avec ses coups de gueule et ses moments de grâce.
Pour Bertrand Tavernier, il était essentiel de garder cette vérité dans le film. “Je n’ai jamais voulu que le film soit cynique ou qu’il traite avec condescendance le sujet. J’aime tous les personnages de ce film : le chef de cabinet Maupas est un homme fascinant, il travaille 18h par jour et ne dilapide pas l’argent public. Quand on a ce genre de chose à l’esprit, on ne peut pas, et on ne veut pas, être irrespectueux”.
Et que dire de Thierry Lhermitte ? On est amusé par ce ministre qui cherche ans cesse à conjuguer son amour pour la littérature à ses discours. Bien sûr, on ressent de la compassion pour Arthur qui arrive au milieu de toute cette effervescence diplomatique, marquée par la crise du Ludménistan, qui fait clairement référence au début de la Guerre en Irak en 2003.
Mais c’est justement dans cette pagaille que Tavernier trouve la matière de son film, notamment lors du discours final du film, faisant référence à celui de Dominique de Villepin à l’ONU contre la guerre en Irak : “Ce discours naît au milieu du chaos, c’est extraordinaire, rien n’a jamais été aussi fort dans la politique française après ce moment”, estime le réalisateur.
On pourrait penser qu’exposer les méthodes de travail de hauts diplomates était risqué pour Antonin Baudry. Mais il n’en est rien. “Tout le monde a adoré la BD au Quai d’Orsay : ils ont pensé que c’était très proche de la réalité”. On raconte même que Dominique de Villepin a aimé aussi.
Le film a été très bien accueilli en France, où, lors de sa première semaine d’exploitation, il a fait plus de 370 000 entrées) et au Canada, à la surprise de Tavernier lui-même. Et aux Etats-Unis, où il sort le 21 mars ? “Ce n’est pas mon travail de savoir comment va être reçu le film ici, je réalise des films, je ne suis pas une diseuse de bonne aventure. Bien sûr j’espère qu’il sera apprécié”.