Il a mis des papillons sur les murs de Los Angeles, des hôtels à travers le monde ou encore dans les fêtes de la famille Kardashian-Jenner. Venu pour “faire l’escroc” aux Etats-Unis il y a plus de 15 ans, pour reprendre son expression, Punk Me Tender -qui conserve son anonymat- peut désormais se targuer d’être un artiste reconnu.
Rien ne laissait prédestiner une telle carrière. Alors qu’il évolue dans le secteur du dépannage d’urgence -passant de la plomberie à la serrurerie-, son entreprise propose au Français détenteur d’un BEP soudure de s’expatrier pour former les Américains “à être plus embrouilleurs”. Il débarque alors avec un Visa touriste en 2003 “sans argent, ni famille, ni maison, ni ami”. “Mais, dès mon arrivée, je me suis rendu compte que les Américains sont plus carrés et sérieux que les Français, les escroqueries ne fonctionnent pas ici”, assure-t-il. Il abandonne rapidement son travail et vivote pendant 3 mois. Durant cette période de transition, il rencontre celle qui va devenir sa future femme. Et le convaincre de revenir s’installer aux Etats-Unis avec un Visa de travail. “Depuis tout petit, j’ai le rêve américain, celui d’un pays sans limite”, reconnaît le Parisien qui ne se sépare jamais de son attirail chapeau-lunettes de soleil.
Avec Brainwash, ils recouvrent les murs de Los Angeles
A Los Angeles, où il pose ses valises, il rencontre Thierry Guetta -alias Brainwash- et se retrouve à filmer pour lui des personnalités comme Christian Audigier, Shepard Fairey (Obey) ou encore Space Invader. “Il m’a ouvert les yeux sur le street-art, c’était quelque chose d’incroyable à l’époque”, lâche le Parisien, qui va être bouleversé par sa rencontre avec Banksy -connu pour ses graffitis réalisés au pochoir. “Il m’a permis d’explorer de nombreuses techniques “, se souvient le Français de 37 ans qui avoue “ne pas savoir dessiner”.
Armé de bombes de couleurs, il va “défoncer” la ville pendant des années, avec son compère Brainwash. Il se fait repérer (et notamment par les forces de l’ordre) en taguant des “Why” un peu partout, ou en s’acharnant sur panneaux et murs avec des propulsions de peintures agressives. “J’avais envie de me lâcher, de flatter mon ego, retrouver l’adrénaline”, explique cet intuitif. Jusqu’à aller trop loin et manquer de se faire arrêter.
Un électrochoc qui va l’amener à développer sa vision, il y a un près de 3 ans. Très rapidement, il décide de financer -avec l’aide de Brainwash, à hauteur de 70.000 dollars- sa première exposition en solo. Pour cela, il loue un manoir du début du XXe siècle à Koreatown, imaginant une scénographie insolite avec un tapis rouge qui se transforme en robe de soirée, un repas où le plat principal est une femme nue, ainsi qu’une chambre envahie de papillons. Depuis ce début en fanfare, il n’a cessé de travailler, perfectionnant ses oeuvres et son univers. “Il faut une énorme discipline pour réussir.” Un aboutissement qu’il présentera lors d’une exposition de ses oeuvres -vendues entre 20.000 et 30.000 dollars- avec une mise en scène du même acabit à Los Angeles, à une date pas encore fixée, courant 2020.
Un art en constante évolution
Car Punk Me Tender a trouvé son style, qu’il décrit comme de l’art pop-moderne et contemporain: “J’amène de la dimension dans les oeuvres, pour qu’elles interagissent avec les gens. La personne ne se poste pas devant, mais rentre dedans et devient l’oeuvre d’art.” Pour cela, il utilise notamment des photographies personnelles ou des murs, et leur donne de la perspective (avec une guitare ou une chaussure intégrée).
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Il a notamment beaucoup travaillé sur les papillons en 3 dimensions, attiré par “le jeu de lumière offert par leurs ailes“. On en retrouve ainsi des dorés au Line Hotel à Los Angeles, tout de rose vêtus sur la façade de l’Astro Rooftop Garden à Miami, dans la piscine du National Hotel à Miami Beach ou encore sur une maison abandonnée dans le désert du Nevada. “Le rôle d’un artiste est de toucher le public. Naturellement, les papillons véhiculent un message qui me correspond, celui de la liberté, de l’ouverture d’esprit et du rassemblement de l’humain”, se réjouit-il. Et le message a pris une dimension virale récemment : après avoir réalisé une oeuvre pour l’anniversaire de la fille de Khloe Kardashian, l’agent de Kylie Jenner a fait appel à ses services pour une fête en l’honneur de sa marque de cosmétique. Même si ce n’était pas son but ultime, l’artiste consent que c’est une exposition inattendue et une opportunité, comme Los Angeles en offre. “Tous les créatifs viennent ici, New York est devenue trop chère et trop froide.”
Même s’il continue à graffer pour le plaisir -et en toute légalité-, il estime que “le street art est mort”. “Il est devenu trop mainstream, se vend comme de la déco. Beaucoup de street-artistes se tournent vers l’art contemporain”, constate Punk Me Tender.
Une direction qu’il prend d’ores et déjà. Prochaine étape : “La mode m’inspire beaucoup, un des mes objectifs est de rentrer dans ce milieu”, concède-t-il. Punk Me Tender se verrait aussi bien créer des plateaux pour des shows, comme les Grammy ou les MTV Music Awards. Et il va continuer à étudier : “il me faut encore 20 ans de travail avant d’arriver au niveau du monochrome.”