Cent-huit sculptures de jeunes Chinoises se dressent dans l’espace immaculé du China Institute, près de Wall Street. Une armée pensée et construite par l’artiste française Prune Nourry, dont le travail s’inspire des problématiques liées à la bioéthique, comme la sélection génétique et la préférence genrée.
Jusqu’au 20 octobre, le Festival Crossing the Line met en avant des artistes qui proposent une vision critique du monde. En 2011 déjà, la jeune plasticienne y avait fait sensation avec son “Spermbar”, un foodtruck redécorré en banque centrale du sperme, pour illustrer la banalisation de la reproduction.
Les “Terracotta Daughters” elles, racontent une toute autre histoire, celle du déséquilibre démographique entre les sexes en Chine résultant de la politique de l’enfant unique. On compte aujourd’hui un “manque” de 170 millions de filles dans les pays d’Asie.
En 2012, Prune Nourry faisait des recherches à l’Université de Xi’an, où ont été découvertes quarante ans plus tôt 8.000 sculptures enterrées en 210 avant J-C. Depuis, ces “Terracotta Warriors” ont été copiés par des artisans chinois.
La jeune artiste décide alors de créer sa propre armée – mais de filles, cette fois. “Il fallait un symbole fort qui parle d’abord aux Chinois, puis au reste du monde, précise Prune Nourry. Mais je ne suis pas sociologue, je n’impose pas de concept. Chacun est libre d’avoir son propre interprétation.”
L’artiste a d’abord sculpté huit “daughters” en terre cuite modelées d’après huit Chinoises entre 8 à 13 ans en uniforme scolaire, qu’elle a rencontrées à travers l’association “Les Enfants de Madaifu”. Elle a ensuite fait appel à des artisans qui ont reproduit à leur tour les 100 autres statues en suivant les instructions de la plasticienne.
“Je souhaitais que les craftmen s’approprient les statues et les transforment selon leurs propres codes“, explique Prune Nourry. Il ne manquait plus que l’intervention de Wen Xian Feng, un artisan “charismatique” auquel la jeune artiste voue une admiration sans borne, qui a personnalisé et signé chacune des statues, “les rendant uniques“.
L’armée des 108 Chinoises a déjà voyagé à Shanghai, Paris et Zurich. Après New York, elle passera par le Mexique en novembre, avant de revenir en Chine pour y être “enfouie” au premier semestre 2015, dans un endroit tenu secret. “Les ‘daughters’ seront déterrées en 2030, car c’est l’année où, selon certains sociologues chinois, le déséquilibre démographique sera à son apogée“.