Goat Canyon trestle bridge, le pont à tréteaux le plus long du monde, se cache dans le désert d’Anza-Borrego, tout au sud de la Californie. C’est ce pont ferroviaire abandonné, construit en 1933 sur le tracé de l’Impossible Railroad qui reliait San Diego à l’Arizona, qui a inspiré à Corinne Cotereau son premier roman, « Providence Canyon », paru en février 2024 chez Albin Michel. Un livre très réussi qui met en scène la quête existentielle de personnages aussi cabossés qu’attachants, avec un mystère qui s’épaissit, dans un décor de Far West moderne.
L’intrigue prend place au Dry River Café & Resort, un camping miteux, dans le désert d’Anza-Borrego où a échoué « J-B », un Français qui fuit un passé douloureux. Sa vie est bouleversée le jour où débarque Paul Carter, le chef de chantier brutal, missionné pour relancer la mythique ligne de chemin de fer qui traverse la région. Mais elle bascule quand il part en quête de Stéphanie, une jeune Française victime d’un drame, lors de son séjour en Californie, à la fin des années 1990.
L’auteure, qui vit à San Diego, s’apprête à entamer une tournée de signatures sur la Côte Ouest et la Côte Est des États-Unis. Elle sera à l’Alliance française de San Diego le samedi 28 septembre à 2pm; à Denver, chez Pluma Academy, le samedi 12 octobre à 4pm; à l’Alliance française de Pasadena, à Los Angeles, le jeudi 7 novembre à 6pm, et une rencontre est en préparation en décembre à New York.
C’est au printemps 2020, en pleine pandémie, que cette artiste peintre a le déclic de l’écriture. À cause du Covid, son expatriation se mue en « exil. » « J’étais au fond du trou », se souvient-elle. En explorant Google maps à la recherche d’une randonnée, elle tombe sur une photo d’un pont ferroviaire en bois « de toute beauté, sorti de nulle part », à deux heures de San Diego. Pour l’admirer, il faut marcher 7 heures dans le désert, le long de rails abandonnés, sur un terrain interdit d’accès… Le décor idéal pour un roman !
« L’intrigue m’est venue naturellement, confie Corinne Cotereau. Je me suis dit : Et si on réhabilitait ce chemin de fer ? Et si on découvrait quelque chose dans un tunnel muré ? Et si je créais des personnages en rapport avec ma culture française… Dans un premier roman, on met beaucoup de choses personnelles et c’est ce que j’ai fait. Il faut écrire pour soi. »
Le personnage de Stéphanie fait ainsi écho à sa propre jeunesse : « Quand j’étais étudiante, j’ai passé 4 mois à faire des ménages dans un ranch du Colorado. Je me suis inspirée de sentiments que j’avais ressentis, du milieu social modeste dans lequel j’ai grandi. À l’époque, j’avais pris des notes, sans savoir que j’écrirai un livre un jour. »
Derrière son écriture percutante affleure une critique de l’Amérique capitaliste, doublée d’une sensibilité pour le sort des marginaux. Au terme de 18 mois d’écriture, voir son premier roman publié par Albin Michel est « un conte de fée ». Écrire, « c’est un peu comme si j’avais découvert une drogue légale », plaisante-elle. À tel point qu’elle vient d’achever un deuxième roman, en relecture chez le même éditeur.