Il aura suffi d’une sole meunière dorée à souhait, arrosée d’un Pouilly-Fumé en 1948, à Rouen, pour que le paysage de la gastronomie américaine change.
Fraichement débarquée en France, Julia Child (souvenez-vous, « Julie & Julia ») découvrait la cuisine française en une nano-seconde de plaisir aigu. Celle qui allait devenir une icône de la télévision américaine dans les années soixante grâce à son émission “The French Chef” aura vécu ce déjeuner comme un éblouissement.
On sait moins, en revanche, que Child et son mari Paul ont accueilli, pendant plusieurs semaines de l’hiver 1970, à La Pitchoune, sa maison de campagne à Plascassier, plusieurs pointures de la cuisine américaine pour des diners savoureux. Parmi elles, Mary Frances Fisher alias “M.F.K. Fisher”, pionnière de la littérature gastronomique américaine
Aujourd’hui, Luke Barr, auteur et journaliste, accessoirement le petit neveu de “MF”, nous fait revivre ces quelques semaines enchantées que sa grand-tante passa en Provence dans son nouveau livre Provence 1970 (Clarkson/Potter). “En fouinant dans les archives familiales, raconte Barr, j’ai trouvé un cahier turquoise : c’était le journal tenu par ‘MF’ cet hiver là.”
Barr ravive, grâce à sa plume élégante et appétissante, la série de personnages clés du monde gourmet des Etats-Unis qui prirent part aux repas provençaux.“Il y avait le chef et auteur James Beard, un Gargantua au cheveu rare d’un mètre quatre-vingt dix pour 135 kilos, qui avait troqué ses rêves de chanteur d’opéra pour devenir le paterfamilias de la cuisine américaine.” Ce dernier, auquel nous devons une vingtaine de livres de recettes, était venu en France – ironie du sort – dans le but de perdre du poids dans une clinique à Grasse.
« Richard Olney, né dans un minuscule village de l’Iowa était lui « monté » à Paris, d’abord pour peindre. Il avait appris à cuisiner seul et s’était fait connaître du magazine Cuisine et Vins de France grâce à un mémorable pot-au-feu. » Installé près de Toulon, il vivait une existence d’expat bohême et venait de publier son premier livre The French Menu Cookbook.
Quant à Judith Jones, également de la partie, elle était éditrice chez Knopf, avait publié le Journal D’Anne Frank en 1950, puis découvert Julia Child.
D’abord en cuisine où tout le monde s’affaire, puis à table, les ragots parisiens et américains vont bon train. On épluche les recettes : Quel vin pour quel plat ? Et pour quel autre ? Les convives s’amusent tardivement, au gré des nuits provençales.
Jusqu’au moment où “MF” en a assez. Ces discussions finissent par l’ennuyer. Elle sent que la France est en proie à une révolution culinaire. L’époque de la haute cuisine tire à sa fin et Barr nous emmène avec elle a la recherche d’une autre inspiration, saisonnière et finalement américaine.
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