Douze ans et six Molière après le premier lever de rideau place Colette à Paris, le « Cyrano de Bergerac » mis en scène par Denis Podalydès vient mettre son nez aux Etats-Unis. Lors d’une projection unique mercredi 23 janvier, la célèbre pièce interprétée par la troupe de la Comédie-Française pendant dix ans franchit l’Atlantique dans plus de 300 salles de cinéma grâce à Pathé Live.
L’événement est exceptionnel: jamais une telle projection n’a été organisée sur le sol américain. « On a choisi de diffuser “Cyrano de Bergerac” parce que c’est l’une des pièces les plus emblématiques du répertoire français et on pensait que c’était la pièce idéale pour séduire un public américain », explique Thierry Fontaine, président de Pathé Live, qui espère que cette projection sera la première d’une longue série aux Etats-Unis.
Pour Denis Podalydès, génie touche-à-tout de la scène française, « c’est une pièce par laquelle la France s’exporte. » Après des centaines de tirades du nez, de scènes du balcon et d’applaudissements, le metteur en scène parle encore de ce Cyrano – « notre Cyrano » dit-il – avec une passion contagieuse. « A la fin du XIXe siècle, alors qu’il s’agit de la dernière grande pièce en vers, elle est tout de suite un énorme triomphe qui va faire connaître le personnage de Cyrano de Bergerac au-delà des frontières et faire de cette pièce une sorte de drapeau français qui a fait connaître le théâtre français à l’étranger », souligne-t-il.
Pourtant, depuis que Denis Podalydès s’en est emparé en 2006, le spectacle n’a jamais quitté l’Hexagone, faute de budget. « On a plusieurs fois demandé à ce que la pièce tourne mais c’était toujours trop cher. Il y a trop de monde, trop de techniciens, trop de décors, on n’a jamais réussi à trouver le bon financement pour l’envoyer à l’étranger », reconnaît-il.
« J’avais renoncé à l’idée que ce spectacle puisse voyager. Cette projection crée une forme de miracle pour moi », ajoute la star des planches, qui n’a par ailleurs jamais eu l’occasion d’accompagner ses spectacles exportés aux Etats-Unis. « J’ai l’impression qu’on est Christophe Colomb. C’est tout nouveau pour moi, c’est quelque chose de très émouvant et de très surprenant », avoue-t-il, curieux de voir comment le public américain recevra le cadet de Gascogne au nez péninsulaire, interprété par Michel Vuillermoz.
Pour cette projection, le distributeur Pathé Live a formé un partenariat avec le groupe de multiplexes américains Fathom Events. « Cette pièce a à voir avec le mythe hollywoodien, compare le metteur en scène. Il y a quelque chose qui ne décrit pas la réalité de notre monde, qui décrit le monde tel qu’on le rêve. Cyrano tient de ça, même quand il y a de la cruauté dans la pièce. On n’en ressort pas déprimé. C’est comme un beau mélo, comme West Side Story », avance le sociétaire de la Comédie-Française.
Pour lui, ce voyage outre-Atlantique est également un au revoir émouvant au chef d’œuvre d’Edmond de Rostand, qui n’est plus joué à Paris. « J’ai été immensément attaché à ce spectacle, j’ai même du mal en parler, confie-t-il. D’une certaine manière, je n’ai pas envie qu’il meure. C’est pour ça que je suis si heureux que soudain, des gens puissent le découvrir aux Etats-Unis. »