Mark Zuckerberg a donné 100 millions de dollars pour revitaliser les écoles publiques défaillantes de Newark. Bill Gates 2 milliards depuis 2008 pour réformer le système scolaire américain. Qui sera le bienfaiteur des programmes bilingues français-anglais ?
La “philanthropie éducative” est un secteur très dynamique aux Etats-Unis. En 2014, les Américains ont donné plus de 54 milliards de dollars au secteur éducatif selon le rapport annuel Giving USA 2015 (voir ci-dessous). C’est le deuxième poste de dons après les causes religieuses. Une tradition solidement ancrée: les premières grandes fondations pour l’éducation remontent au début du XXème siècle avec la création notamment du Rosenwald Fund, qui a financé la création d’écoles pour la communauté afro-américaine dans le Sud.
Alors que le nombre de programmes français-anglais ne cesse de croitre dans les écoles publiques (de New York à Atlanta en passant par l’Utah et Houston), les militants du bilinguisme entendent bien obtenir leur part du gateau. Entre l’achat et le renouvellement de livres, la certification des enseignants et le recrutement d’assistants spécialisés, la gestion d’un programme bilingue coûte plus cher que les programmes monolingues classiques et “200 à 700 dollars de plus par élève que les approches alternatives pour les ELL (English language learners)“, selon Christine Rossell, spécialiste de l’éducation bilingue à Boston University. La France a signalé qu’il ne fallait pas s’en remettre à l’Etat pour un coup de pouce. En 2013, sur fond de coupes budgétaires, la ministre déléguée des Français de l’étranger de l’époque Hélène Conway-Mouret est venue à New York pour parler de la nécessité d’impliquer le secteur privé dans le développement des programmes. Aux Etats-Unis, cela se fait déjà par l’intermédiaire des PTA (parent teachers association). Ces clubs présents dans presque toutes les écoles publiques sollicitent souvent les parents pour financer les activités de l’établissement.
Une “priorité”
Aux services culturels de l’Ambassade de France, le dossier est désormais une “priorité” . La conseillère culturelle Bénédicte de Montlaur travaille à la mise en place d’un fonds dont les recettes seront ventilées entre différents établissements scolaires en fonction de leurs besoins. Le fonds a déjà été doté de 100.000 euros par le gouvernement, le reste viendra de donations privées. Une première allocation de bourses aura lieu d’ici l’été en guise de test. “Idéalement, il nous faudrait trois millions de dollars sur cinq ans pour que le fonds ait un effet optimal, explique Bénédicte de Montlaur. On espère que ce genre d’initiative permettra d’aider les écoles qui veulent ouvrir un programme bilingue à franchir le pas.”
Au niveau local aussi, des initiatives se mettent en place. A New York, épicentre de la “révolution bilingue”, l’attaché éducatif à l’Ambassade Fabrice Jaumont a lancé en 2013 une campagne de fundraising sur la plateforme de crowdfunding indiegogo pour recueillir des fonds. L’initiative a permis de recueillir un peu plus de 11.600 dollars (sur un objectif de 50.000). “On a créé un grand cercle d’amis, mais c’est un gros travail de promotion. Il faut avoir beaucoup de contacts et une stratégie agressive pour convaincre les gens. En l’occurence, le projet – soutenir les programmes bilingues – était trop large. Il faut faire des levées de fonds ciblées pour des iPads ou des tableaux interactifs par exemple, avec des objectifs mesurables et atteignables” , analyse-t-il.
Et les entreprises?
Pour le moment, sa quête auprès d’entreprises et de grands donateurs est restée infructueuse. Il a approché Vartan Gregorian, président de la Carnegie Corporation of New York et pape du philanthropisme new-yorkais, qui a envoyé des lettres à ses contacts. En vain. Côté entreprise, seul Natixis a mis la main à la poche et sorti 10.000 dollars, selon l’attaché, pour le programme de l’école publique PS 58 et celui de la middle school School for International Studies (SIS) à Brooklyn. “Au Crédit agricole, par exemple, il y a onze familles dont les enfants bénéficient d’un programme bilingue. Dans la communauté des start-upeurs aussi, il peut y avoir de l’intérêt. J’ai fait des présentations, mais je n’ai pas encore vraiment de résultats pour le moment, concède-t-il. On a besoin des entreprises. Le système public est déficitaire. Les fonds pour les écoles publiques sont coupés. C’est en faisant appel aux dons privés de la part d’entreprises, de grands donateurs et de fondations que ça marchera.”
En attendant les grandes entreprises, on peut compter sur des valeurs sûres: les parents et autres acteurs locaux. A Miami, l’association de parents FIPA lève chaque année autour de 30.000 dollars nets (données issues de ses rapports annuels) lors de ses galas, par exemple. On est loin des millions récoltés par le Lycée français de New York, mais les soirées de levées de fonds sont une source de financement majeure pour le gestionnaire des programmes français-anglais publics de la ville. A New York, M. Jaumont a lancé une campagne “Adopt a school” dans lequel les donateurs peuvent donner pour des missions précises (certification d’un enseignant, renouvellement de livres, suivi d’une classe…). Il encourage aussi les parents à se constituer en association 501(c)3 pour pouvoir organiser des fundraisers et accorder des exemptions fiscales. “Les parents sont le lien évident quand il s’agit de donner pour les enfants” , poursuit Fabrice Jaumont.
“Les langues ne sont pas ciblées par les philanthropes”
Ce n’est pas Rob Hansen qui dira le contraire. Ce papa de PS 58, membre du PTA et fundraiser professionnel, a recueilli 50.000 dollars pour la School of International Studies (SIS) lors d’une soirée de gala en décembre. Quelque 100.000 dollars de dons supplémentaires et 50.000 dollars en financements publics sont venus s’ajouter par la suite à cette coquette somme. “La levée de fonds commence toujours près de chez soi. On commence par notre réseau proche à travers un marché par exemple, ou une cocktail party à la maison. Il faut se demander quel réseau utiliser et surtout pourquoi un donateur se préoccuperait de la cause. Pour les langues, il y a certainement beaucoup d’arguments favorables. A l’heure actuelle, les langues ne sont pas ciblées par les philanthropes. Mais il y a un terreau fertile si l’on regarde toutes les études très sérieuses sur les bienfaits du bilinguisme et l’essor du mouvement de réforme du système éducatif.”
Fabrice Jaumont note que d’autres communautés sont confrontées au même questionnement. “Il y a des communautés très organisées. Les programmes japonais sont soutenus par la Japan Foundation, les Arabes par la Qatar Foundation International, les Italiens ont IACE (Italian American Committee on Education). Chez les Français, il y a FACE (French American Cultural Exchange). Et les Allemands veulent lever de l’argent auprès d’entreprises, énumère-t-il. Il faut s’organiser, il n’y a pas de recette magique.”
0 Responses
Est-ce que toutes ces personnes, y comrpris l’auteur de l’article, ont bien compris que toutes ces classes bilingues dans des écoles publiques ne sont PAS HOMOLOGUÉES par le Ministère de l’éducation nationale ? Et qu’elles ne le seront jamais ? Que les familles appelées à rentrer en France doivent faire suivre les cours par correspondance du CNED aux enfants inscrits dans ces classes.
Ces raisons semblent bien suffisantes pour expliquer le résultat décevant des divers appels de fonds auprès du public.
Pas besoin non plus d’être devin pour prédire qu’un appel à donations en faveur d’établissements PUBLICS de la ville de New York, ledit appel provînt-il d’un représentant de l’état en poste à New York, est voué à l’échec.
On peut également se demander pourquoi seule la représentante de l’état aux États-Unis fait des appels si pressant auprès du public (qui n’en peut mais) françai. Où sont donc les représentants des nombreux autres pays de la francophonie, dans cette affaire ?