La vie des Hervé-Delassue déconcerterait plus d’un esprit conservateur. Sophie travaille alors que son mari Alexandre fait du volontariat dans une galerie d’art. A 30 ans, le Breton est ce qu’on appelle un «stay-at-home-dad». Il s’occupe du petit Tiago, un an, alors que la maman met l’argent sur la table. (Photo ci-contre: Sophie et Alexandre Hervé-Delassue avec leur fils Tiago).
Alexandre fait partie d’une nouvelle génération d’hommes qui ont décidé de suivre leur âme soeur à l’étranger pour le meilleur et pour le pire. Faute de statistiques, difficile de mesurer le phénomène, mais de plus en plus d’hommes acceptent de suivre leur femme dans l’expatriation. Le traditionnel “femme d’expat” se décline désormais au masculin. «On en voit de temps en temps. Cela a commencé en 2008, souligne Catherine Courrier, qui a présidé Accueil New York et lancé un club, AnyMâles, pour les membres masculins de l’association. La part des maris suivant leur femme reste limitée, mais ça arrive de plus en plus souvent.»
Catherine Courrier est bien placée pour parler du phénomène car elle fait elle-même partie de ces couples qui défient le modèle traditionnel des relations homme-femme. Après des années de navette avec les Etats-Unis, son mari Jean Lebreton a fait le grand saut transatlantique pour s’occuper d’Unipresse à New York, un organisme de promotion de la presse française dans le monde.
Il reconnaît avoir eu de la chance car il a «eu une activité tout de suite». Mais une dizaine d’entretiens formels et informels réalisés par French Morning révèle que pour d’autres hommes, l’expatriation est une réalité difficile à vivre, faite de frustration et de désillusion.
Partis pour leur femme, certains rament pour trouver un emploi une fois sur place, se heurtant à la crise économique et la barrière de la langue. Les papas d’enfants en bas age deviennent, eux, pères au foyer et doivent affronter le regard d’une société qui reste dominée par l’idée selon laquelle l’homme doit être le pourvoyeur familial. Chez l’homme, le sentiment de frustration, de baisse d’estime de soi, et de culpabilité chez la femme peut créer des dynamiques destructrices au sein des couples.
« Un trou d’un an et demi dans le CV est justifiable par l’enfant, mais deux ans ça commence à faire beaucoup » souligne Alexandre Hervé, qui a travaillé comme directeur de la communication à la Chambre franco-mexicaine de commerce au Mexique mais n’a pas retrouvé de travail remunéré à New York. « Il suffit de pas grand-chose pour rebondir, ajoute son épouse Sophie, qui travaille à la Société Générale. J’aimerais autant qu’il retrouve du travail car il se sentira mieux.»
«On est irascible, il y a des sautes d’humeur, une aggressivité latente. Je viens d’une famille de pieds-noirs : on pense que l’homme apporte. Et quelque part l’ego en prend un coup. Même si on est ouvert, c’est dur, admet pour sa part Laurent Canicio. Même si ce Français hyperactif auto-proclamé a fait le choix de prendre du temps “off” pour s’occuper de ses deux enfants, il dit que son nouveau statut n’est pas toujours facile à vivre. Je me sentais plus sûr de moi avant, il y a cette irritation latente qui revient de plus en plus. Si je reste deux ans dans cette situation, il y aura des conséquences sur mon couple et ma famille. Ce n’est pas un problème structurel, c’est conjoncturel.»
(Lire la suite de l’article sous le sondage)
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Toutefois, cela n’empêche pas beaucoup de maris de dire qu’ils ont bénéficié de l’aventure. Après huit mois de recherche d’emploi, Boris Deniau a ainsi réussi à trouver un emploi de directeur de travaux dans une société de rénovation d’habitations basée à New York. Il y travaille avec la riche clientèle française de la ville et de sa banlieue. « Ca a eu une incidence positive sur notre relation de couple. On s’est tous les deux épanouis ici. J’estime avoir vraiment eu de la chance car c’était loin d’être gagné. Je suis content de l’avoir suivie. »
En France, Gérard Masson était lui professeur en lycée professionnel. Arrivé à New York avec sa femme, ce «at-home-dad» veut réveiller l’artiste qui sommeille en lui: « La situation est frustrante mais il faut arriver à dépasser sa frustration. Je me suis dit que j’allais me consacrer à un travail artistique», dit-il, comme il l’avait fait en France.
Pour Emmanuel de Lanversin, (qui a suivi sa femme employée d’une compagnie pharmaceutique et est depuis devenu éditeur spécialisé dans le vin), être père au foyer lui aura au moins offert un beau cadeau : « Avant ma femme et moi étions beaucoup dans la sous-traitance d’enfants, plaisante-t-il. Venir ici m’a permis de découvrir mon fils. »
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Merci ! Excellent article qui témoigne parfaitement de la difficulté d’être un conjoint d’expatrié (e), particulièrement à New York, dans une ville où l’hyperactivité semble la norme.
En tant que mari d’expatrié, je me retrouve parfaitement dans la situation que vous décrivez, avec ces chutes de l’estime de soi-même car on a perdu ses tous repères (nouveau pays, perte de son statut professionnel et de entourage amical,…) et en même temps, ces moments d’alegresse à s’ouvrir sur de nouvelles réalités (éducation des enfants, recherche d’une nouvelle activité professionnelle, …).
Très bien, merci. Cela montre bien que le monde du travail change, et que le vieux modèle ou l’homme est le pourvoyeur familial et la femme est toute contente de suivre ne s’applique plus. D’ailleurs au Danemark, pays type du “dual career household”, cette image n’existe déjà plus depuis bien des années. Les personnes de talent ont tendance à marier d’autres personnes de talent, hommes et femmes. Les sociétés internationales ont tort de nier cette réalité – il est temps qu’ils entrent au 21-ième s@426909442aea939f35f808da60d87953:disqus ècle.
Dommage que l’article ne fasse qu’effleurer le sujet… la problématique est très différente pour un couple sans enfants et quand on en a…, dans un pays comme les USA où il y a peu/pas de structures d’accueil pour les marmots en bas âge (du moins rien de fait au niveau public, il n’y a pas le concept de l’école maternelle ici, on préfère que chaque ville (=district) ait son “rectorat” aux administrateurs grassement payés) sauf dans des grosses boîtes et universités. Cela dit, rien ne remplacera jamais le temps et l’attention que des parents donnent à leurs enfants.
Aussi j’aimerais bien qu’il y ait une enquête sérieuse sur la répartition des tâches quand Monsieur est au foyer. Est-ce que Madame avec sa carrière fait du bricolage, du jardinage (pour ceux qui sont en banlieue), lave les voitures le week-end etc ou bien Monsieur se tape tout (maison+enfants+courses etc) ?
Bon courage à tous les conjoints d’expatrié(e)s… en particulier les moins friqués.
Merci pour ce témoignage,
J’ai vécu cela aussi, mais entre 2005 et 2009. Aucune hésitation pour suivre mon épouse à New York. Mon entreprise a été plus dubitative. Mais cela ne comptait pas vraiment pour moi. Ce fut une expérience très enrichissante. J’avais la possibilité de travailler, mais je n’ai vraiment commencé à rechercher un job qu’en 2006. Avant cela je me suis relancé dans la photo, j’ai investi dans du matériel photo et développé un peu mon côté artistique.
Il est vrai qu’il y a des hauts et des bas, certes, mais avec le soutient de mon épouse et surtout son support quoi que je décide de faire cela a beaucoup aidé.
Bref 3 années inoubliables pour notre couple.