« Je me sens comme perdue sur un rocher, en plein milieu du gué ». Patricia utilise une image forte qui décrit parfaitement son état. Elle m’appelle de Miami, je n’ai aucune peine à la visualiser assise par terre le dos contre le mur, abattue, seule et à bout de souffle. Elle vient de finir une thérapie qui l’a aidée à sortir d’une profonde dépression. La rive qu’elle a quittée n’est plus qu’un mauvais souvenir. Elle ressent maintenant le besoin vital de passer à l’action pour la laisser définitivement derrière elle. « Seule, je n’y arrive pas. Je prends mon élan pour atteindre l’autre rive, mais à chaque fois j’échoue la tête dans l’eau au risque de me noyer ». Elle voudrait que je l’aide à sauter. Mon rôle est de lui faire comprendre qu’il faut d’abord qu’elle se remette sur pied.
Patricia a perdu l’homme de sa vie, son compagnon de route depuis son arrivée aux États-Unis au début des années 90. Décédé brutalement il y a deux ans, elle s’est habituée tant bien que mal à une vie en solitaire. Bien entourée par sa famille, elle a vite compris qu’il lui fallait se créer une nouvelle existence, même si cela devait passer par des décisions drastiques et pas toujours raisonnables. Elle a quitté son job de styliste dans une maison de mode réputée alors qu’elle si sentait à l’aise, « peut-être un peu trop justement ». Elle s’est offerte une année sabbatique en espérant trouver une activité professionnelle plus en relation avec qui elle est aujourd’hui. Son raisonnement me plait, elle est prête pour le coaching. Je saute à ses cotés sur son rocher, je la sens fragile. Je lui demande de s’asseoir au lieu de se tenir debout en tremblotant. Elle me sourit timidement. On peut commencer à travailler.
Nous faisons tous la même erreur. J’entends encore ma mère me dire « Nicolas, tu veux aller plus vite que la musique ! ». C’est une chose de vouloir passer à l’action, cela en est une autre de le faire dans le bon tempo. Patricia ne sait plus où elle est et qui elle est. Alors comment savoir dans quelle direction aller? Je la pousse à parler de la rive qu’elle vient de quitter. Elle pleure beaucoup. « J’ai toujours été indépendante et aventurière, mais j’ai réalisé avec la perte de mon amour que je n’avais jamais cessé de lui tenir la main ». Je sais qu’elle souffre, pourtant j’insiste. De cette tragédie, je dois lui faire découvrir un sentiment positif et porté vers l’avant. « Sa mort est la perte de mon innocence ». Elle ne se ment plus et ose faire face à ses démons. L’enfant s’en va, l’adulte prend sa place, « je suis en première ligne, porteuse de son héritage et du nôtre ». Je la sens légère, elle n’est plus victime de l’événement, elle en fait partie. Elle est en vie. Les séances suivantes confirment cette tendance. Ce qui est derrière elle n’est pas qu’un cauchemar. C’est aussi le tremplin sur lequel elle s’est élancée pour atterrir sur ce rocher, à mi-chemin d’une renaissance tant méritée. Elle retrouve peu à peu ses valeurs morales et ses principes de vie. Patricia trépigne d’impatience, « je veux passer de l’autre coté ». Elle n’est pas prête et s’en rend compte lorsque je lui demande à quoi ressemble cette nouvelle terre qu’elle veut fouler en toute liberté. Il est bien plus facile de trouver l’envie et la force d’avancer si l’on sait où l’on met les pieds. Ma question la pétrifie. Elle est déçue, « je me sentais d’attaque », elle s’en veut. Je la laisse s’auto flageller, tout se passe comme prévu. « Encore une fois, j’ai voulu aller trop vite. J’ai fait la paix avec mon passé et cela m’a ouvert les yeux sur la personne que je suis devenue. J’ai de nouveaux outils en main, il ne me reste plus qu’à définir le territoire que j’ai envie de défricher ».
Patricia a toujours rêvé d’ouvrir sa boutique de vêtements où elle vendrait ses propres créations. Dans une économie comme la nôtre, elle ne pense pas que cela soit du domaine du possible. Au lieu d’abandonner ce qui la fait vibrer, je lui apprends à s’en servir pour imaginer ce à quoi son business pourrait ressembler. Cela nous a bien pris deux mois pour y parvenir, sortir de soi quelque chose que l’on ressent dans ses tripes est souvent difficile et douloureux. Il faut en effet faire fi du domaine sécurisant du devoir pour n’évoluer que dans celui du vouloir, plus subjectif, sur la corde raide. Petit à petit, elle arrive à la conclusion qu’un site web serait le véhicule parfait pour son idée. Elle a travaillé des semaines à l’écrire et à le peaufiner. Elle a voulu se lancer des dizaines de fois, mais comme son projet ne ressemblait toujours pas à la Patricia d’aujourd’hui, je n’ai pas cessé de la mettre en garde tout en restant son allié. Je ne veux plus qu’elle tienne la main de quelqu’un, la mienne comprise, son projet doit être le sien. Ça lui a pris un moment, mais un jour, j’ai arrêté de ronchonner et de jouer au rabat-joie. Son business plan était en phase avec ce qu’elle est devenue et en continuité avec ce que la vie lui a fait subir. « Vous êtes prête, il faut y aller ». Elle resplendit. Après tant d’efforts à se préparer au lieu de passer à l’action n’importe comment, il est émouvant de la voir se tenir debout, fière, forte et pleine d’allant.
« Ça fait tellement longtemps que je n’ai pas essayé de sauter, je ne sais plus par quel bout commencer ». Une dernière inquiétude qui me fait sourire, je n’ai pas dit mon dernier mot. Plus besoin de se jeter en avant au-dessus d’une rivière tumultueuse, elle n’a qu’à la traverser. Elle me regarde, étonnée. « Patricia, vous avez tellement grandi que maintenant, vous avez pied ».
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