Que l’on habite dans l’Upper East Side, le Bronx ou à Bushwick, le dénominateur commun de toute expérience new-yorkaise est une co-existence (forcée) avec les rats. La ville possède même sa mascotte, le fameux Pizza Rat, aperçu en train de transporter une part de pizza le long des escaliers du métro, dans une vidéo à 12 millions de vues. La question bête du jour se penche sur cet animal à la fois fascinant et repoussant.
« New York n’est pas unique en matière de rats. Aujourd’hui toutes les grandes métropoles mondiales sont touchées par ce problème », explique le scientifique Bobby Corrigan, qui porte fièrement le titre de « rongeurologue urbain » et voyage aux quatre coins du monde pour conseiller acteurs publics et privés sur le contrôle des rongeurs. New York a certainement beaucoup de rats mais la rumeur qu’il y aurait autant de rats que d’êtres humains dans la ville (8 millions) est, selon l’expert, une légende urbaine. Plusieurs centaines de milliers serait plus proche du nombre exact d’après lui. Un autre mythe est que le rat new-yorkais serait particulièrement grand. En réalité, il appartient à la même espèce que dans la plupart des autres grandes villes : le rattus norvegicus, rat norvégien, aussi connu sous le nom de rat brun, qui mesure environ 40 centimètres pour 450 grammes.
Aussi vieux que les colons
Le rat brun ne vient pas de Norvège mais d’Asie du Nord-Est. Son histoire est intimement liée à celle de l’homme. Originaire du nord de la Chine, il arrive en Europe vers 1500 et connaît une expansion fulgurante grâce à l’impérialisme européen au début du XVIIIème siècle. Partout où vont les colons, le rat brun les suit, y compris à New York où il débarque à bord de bateaux anglais, avant de s’étendre sur tout le continent américain.
Cette expansion massive dans les milieux urbains n’est pas sans problèmes. Les rats bruns sont porteurs de maladies comme la salmonelle et leptospirose, et s’attaquent à toutes sortes de câbles et fils. Une étude estime qu’ils sont responsables de 26% des ruptures de câbles électriques et de 25% des incendies d’origine inconnue à New York.
À chaque maire son plan anti-rats
Bobby Corrigan a commencé sa carrière en tant que dératisateur. « J’ai répondu à une annonce parce que j’avais besoin d’argent pour payer mes études. On m’a donné un seau rempli de poison et on m’a fait descendre dans les égouts pour poser des appâts. » Aujourd’hui, il estime que la dératisation est loin d’être la meilleure approche. « Les maires de NYC ont toujours vu les rats comme de la simple vermine qu’il faut exterminer. Mais c’est l’équivalent de mettre un pansement sur une blessure qu’il faut opérer. » Pour lui, il faut s’attaquer aux racines du problème : la gestion des ordures car l’abondance de poubelles sur les trottoirs de New York en font un festin facilement accessible pour ces rongeurs agiles.
C’est presque une tradition à New York : à chaque nouveau maire, un nouveau plan d’action contre les rats. En Octobre 2022, Eric Adams a annoncé une guerre contre les rats. À partir d’avril 2023, il sera interdit de laisser ses poubelles sur le trottoir avant 8pm (au lieu de 4pm actuellement), afin de réduire la fenêtre de temps avant la collecte des éboueurs. Jason Munshi-South, un biologiste à Fordham University, est sceptique: « Je pense que c’est une bonne idée mais ça ne suffit pas. Quelques heures ne vont pas vraiment faire la différence. »
Pour lui, une vraie solution serait de mettre en place des conteneurs pour les poubelles. Il préconise aussi une approche locale, quartier par quartier, qui inclut les habitants et les services publics. « Dans les quartiers avec une haute densité de personnes et de logements sociaux, des bâtiments mal entretenus et des hauts taux de pauvreté, il y a les conditions idéales pour une surpopulation des rats », explique Jason Munshi-South. « Et les choses ne risquent que d’empirer avec le réchauffement climatique, puisque les rats survivront plus facilement à l’hiver et pourront se reproduire plus vite au printemps. Ça risque de s’empirer avant de s’améliorer. »